Brésil, Chine, RDC : trois réalités économiques à l’OMC

 

Brésil, Chine, République démocratique du Congo : trois réalités économiques à l’OMC/Organisation mondiale du commerce.

Une comparaison entre le Brésil et deux autres Etats du sud

 

 

Travail d’atelier réalisé, sous la direction d’Isabelle Hannequart, par les étudiants des masters Droit-Langue et Juriste européen à partir d’une webographie, dans le cadre du cours de Droit international économique (commerce et développement), décembre 2015

 

Le Brésil ne nous apparaît plus comme un PED/Pays en développement, mais comme un pays émergent. Or, si la première qualification relève du droit de l’OMC, la seconde ne fait pas partie du vocable officiel de l’organisation mais relève d’une symbolique forte des points de vue économique et politique. Qu’est-ce qu’un PED ? Comme le dit si justement le slogan de l’ONG CETIM (à statut consultatif auprès de l’ECOSOC aux Nations Unies), « il n’y a pas un monde développé et un monde sous-développé mais un seul monde mal développé ». A l’OMC, il n’existe pas de définition objective d’un pays “développé » et d’un « pays en développement”. Les Membres annoncent eux-mêmes, selon un système d’auto-sélection,  qu’ils font partie de l’un de ces groupes,  les autres Membres pouvant contester la décision  prise par un Membre de recourir aux dispositions prévues en faveur des pays en développement. La qualité de Pays moins avancé/PMA, en revanche, découle des critères fixés par l’ONU.

Brésil, Chine et RDC sont des pays du Sud tous membres de l’OMC, mais ils présentent des réalités économiques bien différentes et bénéficient de statuts juridiques différenciés.

Le Brésil, un pays émergent leader à l’OMC

 

Raïssa Avomo, Alexandra Lisi, Avran Pierrick, Margaux Philippe, Paul-Louis Rondelot, Sabrina Terendew

 

Un membre originel de l’OMC

Le Brésil était partie contractante du GATT depuis 1948 ; il est donc un membre originel de l’OMC. Il est classé au 80e rang sur 188 pays selon l’IDH/indice de développement humain (Pnud, 2013).

Au sein même de l’OMC existent des alliances incontournables. Le Brésil fait partie de plusieurs de ces alliances :

– le groupe de Cairns : coalition de pays exportateurs de produits agricoles qui militent pour la libéralisation de ce secteur, Brésil, Argentine, Indonésie, Malaisie, Australie, Nouvelle Zélande…

– le groupe des BRICS (nouveaux pays émergents) : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.

– le G20 : coalition de PED qui cherchent à obtenir des réformes ambitieuses de l’agriculture des pays développés, avec une certaine flexibilité pour les PED (à ne pas confondre avec le G20 dominé par les pays développés),  le Brésil dirige le G20 avec l’Inde malgré sa réputation protectionniste.

Un Brésilien, directeur général de l’OMC

C’est un brésilien, Roberto Azevêdo, qui a succédé au français Pascal Lamy après son deuxième mandat de 4 ans en tant directeur général de l’OMC (2005-2013). Roberto Azevêdo était le représentant permanent du Brésil au sein de l’organisation depuis 2008.

A 55 ans, il s’est forgé une réputation de fin négociateur et de faiseur de consensus. Il a également remporté plusieurs litiges commerciaux importants en faveur du Brésil à l’OMC : cas des subventions pour le coton contre les Etats-Unis et cas des subventions à l’exportation de sucre contre l’Union européenne/UE. Il a également participé à presque toutes les conférences ministérielles depuis le début en 2001 des négociations du cycle de Doha. Il s’agit de négociations portant sur la libéralisation du commerce international et notamment sur le développement du « Tiers-Monde » qui devaient durer 3 ans sous l’égide de l’OMC. Le cycle de Doha a été considéré comme étant un échec le 24 juillet 2006 par Monsieur Pascal Lamy, à l’époque Directeur Général.

Pourtant, en 2013, à l’issue de la conférence ministérielle de Bali, un ensemble de mesures appelé « paquet de Bali » a été adopté le 7 décembre. Ce paquet (accord sur la facilitation des échanges, agriculture, développement et PMA) est une étape dans la réalisation du programme du cycle de Doha. Selon Monsieur Azevedo, cet ensemble de mesures est une réussite historique puisqu’il s’agit du premier accord multilatéral signé depuis la création de l’OMC en 1995. Mais en vérité, cet accord est loin de l’ambition de Doha et certains spécialistes le qualifient de « Doha Light ».

Le Brésil, acteur de la scène agricole mondiale

Le Brésil est un véritable acteur dans la recherche du consensus à l’OMC, Le Brésil, depuis 2003, sous la présidence de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), assume un rôle clef à l’OMC et est devenu un des plus grands négociateurs avec l’UE, le Japon, la Chine, les Etats-Unis et l’Australie entre autres.  Pour lui, les questions agricoles et rurales sont déterminantes pour le développement socio-économique et territorial, c’est pourquoi il est particulièrement investi dans les négociations ou les litiges dans ce domaine. Effectivement, le développement des exportations des pays moins développés est une priorité pour le géant sud-américain. Au début du 20ème, le Brésil bénéficie d’une période de développement agricole qui repose sur la mise en valeur de ressources nouvelles et un appui de l’Etat fédéral. Le Brésil est d’abord un acteur incontestable de la commercialisation agricole mondiale. En effet, il se place au troisième rang mondial des pays exportateur en matière agricole, rivalisant avec les Etats-Unis et l’Union européenne. Ses échanges internationaux sont marqués  par la diversification de ses partenaires en matière d’exportation agricole : Russie, Inde, Chine, entre autres.

Aujourd’hui, c’est une agriculture intensive et entrepreneuriale qui se développe sur le territoire brésilien du fait de la disponibilité de grandes superficies et de techniques en constante évolution. Le Brésil est le 1er producteur de sucre, de café, de jus d’orange et de tabac, le 2ème producteur de soja et le 4ème de maïs et de coton. Les coûts de production sont plus faibles au Brésil que dans les pays du Nord et la productivité peut encore s’y accroître fortement grâce aux millions d’hectares disponibles.

Le Brésil étant un acteur incontournable de la scène agricole mondiale est devenu au sein de l’OMC le véritable défenseur de la libéralisation de l’agriculture au profit des pays en développement. Effectivement, son potentiel productif est indéniable et encore extensible et participe très certainement au dynamisme économique du pays d’où sa position de leader quant à la volonté de libéralisation des marchés agricoles dans le cadre de l’OMC. Il est vrai que pour les leaders du G20 (qui réunit les 2/3 des producteurs agricoles du monde) il existe un lien direct entre développement et agriculture.

Le Brésil, donc, avec les autres membres du G20, dénonce tout ce qui selon lui peut entraver la concurrence et créer des distorsions à l’exportation. Il souhaite une plus grande égalité en matière de conditions de production et notamment un abaissement des aides nationales à la production et une réduction des barrières tarifaires et de la taxation de certains produits.

Un accord en matière de facilitation du commerce était souhaitable à Bali. Le Brésil travaille déjà de manière unilatérale à la mise en œuvre de mesures de facilitation du commerce, sans avoir encore ratifié l’accord. Par exemple, le Brésil a mis en place une initiative de guichet unique pour la réalisation de toutes les formalités douanières liées au commerce extérieur. Mais le Brésil a des attentes très fortes dans le domaine de l’agriculture. Concernant la proposition du G20 sur la réduction des subventions et crédits aux exportations, l’Itamaraty (le ministère des relations extérieures au Brésil) dit ne pas comprendre pourquoi les pays développés ne l’acceptent pas alors qu’elle est n’est pas maximaliste.

Le défenseur des PED

L’OMC étant l’instance d’arbitrage des conflits commerciaux internationaux est appelée de plus en plus souvent à se prononcer sur les plaintes déposées par les pays du Sud vis-à-vis des pays du Nord.

Le Brésil s’est allié aux pays du Sud notamment les pays africains producteurs de coton comme le Bénin, le Burkina Faso, le Mali ou encore le Tchad. Il a justement obtenu, sous l’égide de Monsieur Azevêdo en 2004, la condamnation des aides internes des Etats-Unis et en 2006 la fin du système européen de subventions aux exportations de sucre de betterave. L’objectif du Brésil et de ses alliés est la réduction du protectionnisme agricole pratiqué par les pays développés. Il prône une plus grande ouverture des marchés des pays du Nord aux productions agricoles des pays du Sud.

Sur la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire, objet d’un accord à Bali et d’un compromis du 27 novembre 2014 appelant à une solution permanente au 31 décembre 2015 , le Brésil a connaissance des risques, surtout pour ce qui concerne les réexportations, c’est la raison pour laquelle le Brésil se positionne en faveur de l’édiction de règles qui devront accompagner la mesure pour éviter les risques.

Enfin, en ce qui concerne le « paquet développement et PMA » de Bali, le Brésil est réticent à l’encontre de certains PMA dans l’éventualité où des mesures de type DFQF (Duty-free and quota-free) leur seraient accordées sans qu’une attention suffisante ne soit portée sur les règles d’origine ou les délais de mise en œuvre. A ce titre, ce sont les secteurs du textile-habillement et des chaussures qui sont les premiers concernés. Par exemple, le Bangladesh exporte 500 fois plus que le Brésil dans le secteur textile. Le Brésil redouble alors de vigilance sur les questions de règles d’origine car, dans le cadre du Mercosul, tout accord en la matière qui serait négocié avec un pays tiers devra être étendu à l’Uruguay et au Paraguay s’il s’avère plus favorable. Autrement dit, si un accord est plus favorable que le précédent accord, il s’appliquera non seulement au Brésil (pays qui l’aura ratifié) mais également à L’Uruguay et au Paraguay dans le cadre du Mercosul.

Or, le Brésil, considéré jusqu’alors comme PED dans le système généralisé de préférences de l’Union européenne – système autorisé par la clause d’habilitation de 1979 à l’OMC –  vient de perdre le bénéfice de ce traitement préférentiel en raison de ses performances économiques. Le système général exclut désormais les pays classés comme pays à revenu élevé ou à revenu moyen supérieur par la Banque mondiale au cours des trois dernières années consécutives précédant immédiatement l’actualisation de la liste des pays bénéficiaires. Le Brésil ne figure plus dans l’annexe II du règlement 978/2012 de l’UE du 25 octobre 2012 appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées (du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2023), qui exclut certains pays de la liste des pays a priori admissibles figurant dans l’annexe I.

Un promoteur de l’intégration régionale

Le Brésil participe à de nombreux cercles de coopération ou d’intégration.

L’Association latino-américaine d’intégration (ALADI), est une organisation régionale créée le 12 août 1980 par le Traité de Montevideo. Elle succède à l’ALALE (Association latino-américaine de libre-échange) lancée en 1960 mais qui a échoué. L’ALADI est un organisme d’intégration économique intergouvernementale d’Amérique latine, tous les pays latino-américains sont libres d’y adhérer. L’organisme compte actuellement 13 membres, et son siège est à Montevideo. Le Nicaragua est en cours d’adhésion.

L’objectif de l’ALADI est la formation graduelle et progressive (sans aucun échéancier) d’un marché commun, ainsi que la promotion et la régulation du commerce réciproque.

Le Mercosul. Il a été institué par le Traité d’Asunción du 26 mars 1991, c’est un accord-cadre complété par des accords spécifiques négociés selon les progrès du marché commun. Il est composé de 5 Etats membres (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay, Venezuela), de 5 Pays associés (Bolivie, Colombie, Chili, Equateur, Pérou) et d’un Pays observateurs (La Nouvelle Zélande). Le MERCOSUR compte 241 millions d’habitants et représente 4% du PIB mondial. D’autres Protocoles interviennent les années suivantes pour mieux définir le rôle et l’organisation du MERCOSUR. Le Protocole de Brasilia du 17 décembre 1991 créé le mécanisme de règlement des différends (remplacé par le Protocole d’Olivos du 18 février 2002). Le Protocole de Las Leñas du 27 juin 1992 installe la coopération et l’assistance juridictionnelle en matière civile, commerciale, du travail et administrative. Le Protocole d’Ouro Preto du 17 décembre 1994 définit le système de prise de décisions intergouvernemental, les décisions à l’unanimité sans force immédiate dans le territoire de chaque État membre. Le Protocole de 1994 indique aux États qu’ils doivent prendre les mesures nécessaires pour transposer les normes du Mercosur en droit interne. Il attribue la personnalité juridique au Mercosur et instaure de nouvelles règles sur le règlement des différends. Le Protocole du 10 décembre 1996 se concentre sur la Protection de la concurrence au sein du Mercosur Le Protocole d’Ushuaia du 24 juillet 1998 porte sur le Compromis démocratique au sein du Mercosur, en Bolivie et au Chili.

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Dans le système brésilien, les normes de droit international doivent être transposées dans l’ordre juridique interne par trois actes successifs: l’édiction d’un décret législatif qui l’approuve, la promulgation par un décret du Président de la République, et la publication. Ces normes ont le même statut que les lois du droit national.

Le Mercosur semble être plus un organe politique ayant permis au Brésil de trouver une place importante sur la scène internationale qu’un organe de coopération économique. Beaucoup de mesures d’exceptions et de protection se sont pérennisées au sein du Mercosur. Les Etats membres du Mercosur ont préféré régler leur conflit devant la CIJ (affaire Argentine/Uruguay : usines de pâte à papier sur la rive Uruguay, arrêt du 20 avril 2010) que devant les tribunaux du Mercosur, montrant le manque de coopération entre membres du Mercosur. De plus cette organisation régionale a du mal à négocier des accords avec les autres organisations régionales, telle l’UE.

 

Le Forum IBAS. C’est un forum créé en 2003 à Brasilia regroupant l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. L’IBAS fonctionne sur la base du trans-régionalisme, mais ce forum est fermé puisqu’il n’a pas donné suite aux demandes d’adhésion formulées par des Etats tels que la Chine ou le Japon.

L’IBAS est structuré autour de trois piliers. Du premier pilier qui est une diplomatie de sommets annuels avec une présidence rotative, des réunions ministérielles annuelles entre ministres des affaires étrangères et ponctuelles entre ministres du commerce. Du second pilier qui est une coopération comprenant 16 groupes de travaux qui coopèrent dans des domaines très variés, tels que l’agriculture, la santé, la technologie, le transport. Et d’un troisième pilier constitué depuis 2004 d’un fonds de développement finançant des projets de développement à l’extérieur des pays membres, dans les pays les moins avancés.

Ce fonds de développement ne finance pas les projets dans les Etats membres, mais dans les Pays les Moins Avancés comme le Burundi, la Sierra-Leone, le Laos, Haïti… L’IBAS se voit comme un nouveau partenaire économique des PMA.

Les trois Etats liés sont des pays émergents mais avec une position commune pour ce qui est des relations internationales avec la volonté de réformer le Conseil de sécurité de l’ONU.

L’IBAS parle d’une même voie à l’OMC, surtout le Brésil et l’Inde pour la question de l’accès à tous des médicaments puisque ce sont deux principaux fabricants, consommateurs et exportateurs. Les Etats occidentaux ont perçu dans l’IBAS la parole des leaders représentant des pays du Sud et ce sans s’être vu accorder cette fonction par les Etats du Sud. Ceci est sans doute dû à l’absence de la Chine et de la Russie du forum, ce qui le rend plus légitime que les BRICS aux yeux des Etats Occidentaux. Cependant l’IBAS n’a pas atteint ses objectifs ; notamment, le Conseil de Sécurité de l’ONU n’a pas été modifié.

Unisur ou Unasul. Les douze États concernés ont signé le 8 décembre 2004 la Déclaration de Cuzco visant à la réunion du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela) de la Communauté andine (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou), du Chili, du Guyana et du Suriname en une seule communauté supranationale, la Communauté sud-américaine des nations (CSN), sur le modèle de l’Union européenne. Le Panama et le Mexique ont assisté à la cérémonie de signature et ont obtenu la qualité d’observateur.

Les dirigeants ont annoncé leur intention de modeler la nouvelle communauté sur l’exemple de l’UE, avec notamment la mise en place d’un Parlement, d’une citoyenneté, d’un passeport commun et à terme d’une monnaie commune. Le siège de l’UNASUR – Union des nations sud-américaines depuis 2007 – a été installé près de Quito en Équateur et le Parlement en Bolivie à Cochabamba.

Malgré une volonté d’établir une Union fondée sur le libre-échange, et sur des considérations sociales et technologiques, il se pourrait bien que le but de l’UNASUR soit de créer un système de défense englobant les douze pays d’Amérique du Sud. Le Conseil de défense, créé en mai 2008 à l’initiative du Brésil, entend promouvoir l’intégration et la coopération en matière d’armements.

L’UNASUR a obtenu, le 24 octobre 2011, le statut de membre observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies, ce qui renforce encore davantage l’unité de cet ensemble régional.

La Coalition BASIC. Cette coalition s’est formée en 2009 en vue de la Conférence de Copenhague de la même année, sur association de la Chine et de l’Inde qui ont invité le Brésil et l’Afrique du Sud. Ces 4 Etats ont pour vocation d’aligner leurs émissions de CO2. Ils sont à l’origine de l’accord final puisqu’ils ont négocié avec les Etats-Unis pour les négociations finales. Cette coalition n’a pas un but économique, mais elle prouve le rapprochement entre les leaders des grandes puissances régionales de chaque continent.

Les BRICS. BRICS est un acronyme anglais pour désigner un groupe de cinq pays qui se réunissent en sommets annuels : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (en 2011). Cet acronyme a été inventé en 2001 par Jim O’Neill, économiste à la banque Goldman Sachs.

Ces pays sont considérés comme les grandes puissances émergentes actuelles. En 10 ans, leur place dans l’économie mondiale a ainsi fortement progressé et pourrait atteindre, selon certaines projections, 40 % en 2025 pour une population représentant actuellement 40% de la population mondiale. En 2014, les BRICS affichaient un PIB nominal cumulé de plus de 14 000 milliards de dollars, soit pratiquement autant que celui des 28 pays de l’Union européenne réunis (18 874) et proche de celui des États-Unis (17 528). Les BRICS ont créé en 2014 une banque de développement ainsi qu’une réserve de change, qui se veulent les bases d’un système alternatif au FMI et à la Banque Mondiale, puisque le fonds n’assortit pas ses prêts de conditions contraignantes et que les Etats sont sur un pied d’égalité dans la prise de décision.

Sur le plan économique, Les BRICS veulent accentuer leurs poids et points de vue dans les négociations économiques internationales notamment au G20, au FMI et à l’OMC. Ils ont insisté sur la nécessité de réformer le Système monétaire international. Cependant les BRICS ont des intérêts divergents et manquent de solidarité entre eux. Parallèlement à la banque des BRICS, la Chine a présidé au lancement en 2O15 d’une autre institution financière multilatérale, la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII) regroupant 57 Etats fondateurs (dont la France, l’Allemagne, le Royaume Uni). La Chine refuse de soutenir le Brésil dans sa revendication d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Par ailleurs, la Chine, dont le PIB est supérieur à celui des autres pays réunis, a tendance à vouloir montrer sa suprématie. Ses partenaires aimeraient qu’elle s’ouvre plus à leurs produits manufacturés et qu’elle ne se contente pas d’importer des matières premières. De même, ils apprécieraient une hausse du cours du yuan.

Considérer les BRICS comme étant des puissances serait oublier certains défauts de leurs modèles économiques. Ainsi ces pays sont marqués par de fortes inégalités sociales. Il y a peu de transparence en matière économique et financière, notamment en Chine. Des progrès sont à noter en matière d’universités et de recherche mais il reste encore un écart avec les grandes puissances occidentales. La productivité stagne en Russie et au Brésil ; la Chine se base sur un modèle exportateur vers des pays occidentaux en crise de la dette et donc potentiellement moins portés sur la consommation.

Un mégadivers de même esprit 

Le Brésil est néanmoins considéré comme un pays qui présente beaucoup de potentiel pour devenir une superpuissance mondiale car il dispose d’un très grand territoire doté de nombreuses ressources naturelles.

Pourtant, le Brésil risque d’être freiné dans son élan notamment vis-à-vis des enjeux environnementaux et climatiques. Certaines ressources naturelles étant en état de dégradation (notamment les sols et l’eau) il faudra très certainement procéder à un changement des modes de production dans un futur proche afin de trouver un meilleur équilibre entre les objectifs économique et les enjeux environnementaux.  Le libéralisme agricole prôné par le Brésil risque d’être remis en question afin d’assurer la préservation des ressources naturelles de la planète

Le Brésil fait partie des 17 pays classés comme mégadivers par le PNUE/Programme des Nations Unies pour l’Environnement, c’est-à-dire les plus riches en biodiversité. Le Brésil concentre à lui seul  entre 10 et 20% de la biodiversité mondiale. Son territoire accueille six biomes distincts, macroécosystèmes, ensembles d’écosystèmes caractéristiques d’une aire biogéographique compte tenu de la végétation et des espèces animales prédominantes et adaptées : la Pampa, la Forêt atlantique, le Cerrado, le Pantanal, le Caatinga, l’Amazonie.

Lors des négociations relatives à la Convention sur la diversité biologique, en 1992, le Brésil a adopté une position nationaliste, consistant à affirmer la souveraineté sur les ressources génétiques convoitées et il fait partie de la coalition des 12 pays mégadivers de même esprit née à Cancun en 2002, groupe de pays sensibles à la protection des savoirs traditionnels au regard de la propriété intellectuelle et aux questions de l’accès et du partage des avantages. Les Etats-Unis, Etat mégadivers, ne font pas partie de cette coalition.

Le Brésil redoute l’appropriation de la biodiversité par les pays les plus avancés qui maîtrisent les techniques d’utilisation de ces ressources et il affirme la nécessité d’un contrôle par les pays mégadivers, qui devraient bénéficier en outre de l’accès à l’information et à la technologie. En même temps, le Brésil développe ses propres capacités technologiques. On estime que 40% des médicaments disponibles actuellement ont été élaborés à partir de principes actifs extraits de la nature (25% de plantes, 13% de micro-organismes, 3% d’animaux). Cela place le Brésil dans une situation de fournisseur de matières premières. Mais le marché pharmaceutique brésilien est lui-même champion de la croissance avec un taux annuel de 18% entre 2009 et 2011 contre moins de 5% pour l’Europe de l’Ouest ou les Etats-Unis., même si 80% du marché relèvent de sociétés multinationales. Le Brésil est aussi le pionnier des cosmétiques d’origine naturelle ; la firme Natura d’origine brésilienne fait partie des multinationales émergentes. Le Brésil produit des agrocarburants (par exemple à partir de la culture de canne à sucre)… qui ne sont pas forcément des biocarburants en raison des modes de production agricoles. La forêt recouvre près de 60% du territoire, mais elle subit la déforestation qui entraîne l’augmentation des émissions de CO2.

Un nouveau cadre juridique a été mis en place avec la loi du 20 mai 2015 pour la recherche, le développement et la commercialisation basés sur la biodiversité (Loi 13123/2015). Cette loi change la donne pour les entreprises. La loi supprime l’autorisation préalable d’accéder à la biodiversité, qui était jusqu’à maintenant accordée par un conseil national. Les entreprises s’inscriront simplement sur une base de données en ligne. Le partage des bénéfices ne disparaît pas, mais, alors qu’il était négocié au cas par cas, il relève maintenant de la responsabilité du fabricant du produit final et se fera principalement par le biais d’une fondation nationale. Selon la Présidente Dilma Roussef, il s’agit d’un compromis entre la sécurité juridique (exploitation « sans conflits ni difficultés » pour les entreprises) et le partage juste et équitable. Mais cette loi diminue les garanties pour les peuples autochtones et les communautés locales… et la population dans son ensemble.

 

 

La Chine, pays émergent et pays en développement

Adra Bibuljica, Ariane Jasor, Pauline Levert, Tiana Rakotomalala, Hassiba Souchard

 

Un membre ayant accédé à l’OMC

La Chine a été l’un des 23 signataires originels du GATT, mais, après la révolution de 1949, le gouvernement nationaliste réfugié à Taïwan a annoncé le retrait de la Chine. Il faut attendre 1982 pour que la Chine devienne observateur et 1986 pour qu’elle soit candidate à l’OMC, à la création de laquelle elle n’a pas participé. Membre de l’OMC depuis 2001, la Chine est considérée comme une future puissance mondiale, mais son statut économique et juridique la situe entre un Pays en développement et un pays émergent.

Au sein de l’OMC, elle fait partie, comme le Brésil, du groupe des BRICS et du G 20. Elle participe, sans le Brésil, au G33, « Amis des produits spéciaux » dans le secteur agricole, coalition de PED pour une certaine flexibilité aux PED leur permettant d’ouvrir les marchés de façon limitée dans le secteur agricole.

Des conditions d’accession de pays émergent

Lors de son accession, la Chine s’est vu imposer de fortes contraintes. Elle a dû s’aligner sur l’obligation de non-discrimination, les normes anti-protectionnistes et l’obligation de transparence, ce qui a exigé des réformes de grande ampleur. Plus de 3000 lois, règlements et décrets ont été abrogés ou réformés.  Et les pratiques gouvernementales ont également évolué : ouverture du site internet gouvernemental au public, instauration d’un centre des requêtes, publication des lois et règlements permettant de réglementer les activités liées au commerce international dans le journal China  Foreign and Economic Trade Gazette, mise en place d’une séance législative publique depuis 2005.

Sans période de transition, la Chine s’est engagée dans les différents secteurs de libéralisation du commerce – marchandises, services, propriété intellectuelle -, sous réserve de limitations, consolidées ou non, alors que des restrictions ont été maintenues à son encontre dans certains secteurs, comme le textile ou les jouets.

L’adhésion a été un tremplin pour l’ouverture de la Chine à l’extérieur, tant en exportation qu’en importation, même si le marché chinois reste difficile à pénétrer.

D’ailleurs, la Chine est encore considérée comme une économie non marchande, question qui doit être réexaminée en 2016. L’enjeu est important puisque cette qualification a des conséquences sur le niveau des mesures possibles, par exemple des mesures de rétorsion plus lourdes en cas de dumping.

Contrairement au Brésil, La Chine reste bénéficiaire du schéma de préférences tarifaires généralisées de l’Union européenne (règlement du 25 octobre 2012, annexe II).

Un acteur du mode de règlement des différends

Depuis son entrée à l’OMC, la Chine a été impliquée dans 13 différends en tant que plaignant, 33 en tant que défendeur et 127 en tant que tierce partie. La Chine est d’abord restée discrète, tout en jouant un rôle d’observateur pour saisir la stratégie des autres membres et mieux maîtriser les subtilités juridiques de l’ORD/Organe de règlement des différends. Puis la Chine est devenue un acteur offensif en portant de nombreuses affaires devant cet ORD ; ces litiges portaient principalement sur des mesures anti-dumping adoptées par l’UE et les Etats-Unis.

Mais la Chine est aussi l’objet de nombreuses plaintes, déposées en majorité par ces mêmes membres, ce qui dénote un certain laxisme dans le respect des principes directeurs de l’OMC : affaire des produits de divertissement audiovisuel, mesures sur certaines automobiles (notamment de luxe), mesures relatives à l’exportation de terres rares (rapport ORD, 7 août 2014). L’ORD constitue un excellent indicateur de l’attitude de Pékin vis-à-vis des règles de l’OMC.

La Chine a demandé, en janvier 2003, une révision du Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (Communication TN/DS/W/29 du 22 janvier 2003) pour le renforcement des dispositions de traitement spécial et différencié, notamment par une règle de modération pour les pays développés membres dans les affaires visant les pays en développement : engagement de ces derniers de ne pas soumettre à l’ORD plus de deux affaires visant un PED au cours d’une année civile. La Chine se comporte ainsi en PED.

Un PED peu offensif dans les négociations mondiales

La Chine joue un rôle spécial car elle est à la fois un géant du commerce et un PED et tente de concilier ces deux positions. Elle est classée au 92e rang sur 188 pays selon l’IDH 2013.

La Chine a ratifié l’Accord sur la facilitation des échanges le 4 septembre 2015. Sur les questions agricoles, la Chine jour un rôle moindre que celui du Brésil car sa croissance économique et ses recettes d’exportation ne dépendent pas de ce secteur. Mais, sur la question des stocks alimentaires, son intérêt a rejoint celui de l’Inde, dans le cadre du G33. Dans le secteur des produits non agricoles, la Chine soutient d’autres pays comme le Brésil et l’Inde, pour défendre le traitement spécial et différentié. Concernant les ADPIC, la Chine a appuyé l’intervention du Brésil pour introduire à l’avenir dans l’accord des règles relatives à l’identification de l’origine des ressources génétiques dans les demandes de brevet.

La Chine a permis l’avancement du processus de négociation de Doha, mais elle n’a pris aucun engagement de libéralisation au-delà de son protocole d’accession, souhaitant profiter de l’ouverture des marchés étrangers pour exporter davantage, et s’adapter aussi aux réformes entreprises, tout en maintenant un certain niveau de restrictions quant aux importations, et n’intervenant pas dans les négociations si celles-ci n’avaient pas d’impact sur ses intérêts économiques.

La contribution de l’OMC à la croissance de la Chine est significative, mais on peut douter de l’influence de la Chine sur le déblocage des négociations et le renforcement de l’OMC.

Un intérêt nouveau pour l’intégration régionale

La Chine a longtemps été réfractaire à la coopération multilatérale. Lors de la crise financière de 1997, elle a commencé à montrer un intérêt pour les structures régionales et à vouloir changer son image auprès de ses voisins, qui la voient désormais davantage comme un partenaire économique que comme une menace.

L’Association des Nations d’Asie du Sud-Est/ASEAN : cette organisation a été créée en 1967 dans le contexte de la Guerre Froide pour contrer le communisme et assurer le développement et la stabilité économique. La Chine a esquissé son rapprochement informel avec l’Asean lors d’un sommet informel à Kuala Lumpur (Malaisie) et la volonté de l’Asean de coopérer avec d’autres acteurs importants de la sphère régionale s’est concrétisée par la mise en place de l’Asean + 3. Ce forum regroupe les membres de l’organisation et trois autres Etats d’Asie-Pacifique, le Japon, la Chine et la Corée du Sud.

La Chine est devenue un membre actif de ce nouveau régionalisme asiatique. La zone de libre-échange de l’Asean de 1992 doit se muer en Communauté économique au 31 décembre 2015 et s’élargir en 2020, par un Accord de partenariat économique régional, à une zone de libre-échange à l’échelle des 10 membres de l’Asean et de 6 autres Etats, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, mais aussi l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La Chine a déjà constitué une ZLE en 2010 avec 6 Etats de l’Asean.

La Coopération économique Asie-Pacifique/APEC : cette organisation a été créée en    1989 à l’initiative de l’Australie pour une libéralisation dans le sillage de l’OMC. Mais la perspective de l’adhésion de la Chine a suscité des réticences, en raison des événements de la Place Tienanmen et du danger de s’allier à un Etat en période d’instabilité politique. La Chine n’a donc intégré l’APEC qu’en 1991 avec le soutien de l’Asean et de la Corée du Sud.

Souple dans son institutionnalisation, l’organisation tient compte de l’hétérogénéité de ses membres, pays développés comme les Etats-Unis et le Japon, et PED comme le Pérou. Un processus à deux vitesses a donc été conçu en fonction de l’économie des pays. Mais, selon les objectifs de Bogor de 1994, l’objectif ultime est d’établir un marché ouvert et totalement libéralisé en Asie Pacifique à l’horizon 2020.

La dynamique de l’APEC a été utilisée par les Etats-Unis pour dynamiser les négociations de l’Uruguay Round pour la création de l’OMC et obtenir leur achèvement. Près de dix ans plus tard, la Chine entend s’imposer au sein de l’APEC, les désaccords territoriaux en Mer de Chine perturbent l’entente et la Chine n’est pas signataire de l’accord de partenariat transatlantique signé le 5 octobre 2015.

Un mégadivers de même esprit 

La Chine est un mégadivers et un mégadivers de même esprit. Elle comprend sept zones climatiques qui abritent un huitième des espèces de la planéte, mais elle est confrontée à de sérieux problèmes de pollution de l’air, de l’eau et des sols, d’inondations et de désertification, d’expansion urbaine, de développement hydroélectrique et de surexploitation économique, qui affectent spécialement le forêts et les zones humides.

La Chine ne représente que 4,5% du territoire forestier mondial. Trois périodes de déboisement se sont succédé. De 1958 à 1961, les forêts ont alimenté les fours destinés à faire fondre l’acier ; de 1966 à 1971, elles ont été sacrifiées par la réforme agraire au profit des cultures de blé et de maïs ; en 1980, de nouvelles responsabilités ont été attribuées par les réformes économiques aux fermiers qui ont abattu tous les arbres présents sur les terres allouées dans la crainte d’un revirement de la politique gouvernementale. Depuis 1998, en raison des inondations destructrices, le pays met en œuvre une politique forestière, via le National Forest Protection Program, qui a déjà porté ses fruits. La superficie des forêts est passée de 12% du territoire en 1990 à 20% en 2010. La Chine s’est engagée, en prévision de la COP 21 sur le climat, à augmenter son stock forestier en volume de 4,5 milliards de m3 d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005 et à atteindre un taux de couverture forestière de 26% en 2050. Des projets concrets visent la restauration et l’aménagement de ces espaces fragiles. La Chine reste toutefois le premier importateur mondial de bois, ce qui fait penser que la politique chinoise ne fait que déplacer le problème de la déforestation sur le territoire d’autres Etats.

Une nouvelle loi de protection de l’environnement est entrée en application le 1er janvier 2015, qui entend réconcilier le développement économique et la protection de l’environnement. On y trouve l’approche pénale propre aux racines historiques anciennes du droit chinois (répression des crimes contre l’environnement avec peine de mort dans certains cas), la création de fonds publics pour la dépollution, la protection officielle des lanceurs d’alerte. Mais elle n’empêchera pas que les mesures de protection puissent être contournées par des législations spécifiques, notamment sur l’agriculture.

Côté environnement, la Chine se positionne clairement comme un pays en développement.

La RDC, un PMA à l’OMC

Camille Audebaud, Stamarga Danaé, Bertrand Delpech, Mélanie Joly, Yasmina Saadan, Yasmine Sadik, Camille Théry

 

Un membre originel de l’OMC

La RDC était partie contractante du Gatt depuis 1971 (de cette date à 1997, date du renversement du maréchal Mobutu, l’ancienne colonie belge portait le nom de Zaïre) ; elle est donc un membre originel de l’OMC (ratification du 1er janvier 1997).

En raison du non-paiement de ses arriérés de contribution d’Etat membre de l’OMC, la RDC est demeurée absente de l’organisation pendant plusieurs années et considérée comme un pays inactif. Elle a dû régulariser sa situation (en novembre 2013) en réglant la somme d’environ 464.586 dollars américains et a pu reprendre sa place au sein de l’OMC avec l’envoi d’un représentant permanent en septembre 2015.

La RDC fait partie de plusieurs groupes de négociation : ACP, Groupe africain, G90 et PMA. La RDC figure à l’avant-dernier rang du classement selon l’IDH 2013, classée entre le Tchad et le Niger (52% des habitants ont accès à l’eau potable, le taux d’accès à l’électricité est de 10,3%). Le G90 rassemble les membres du Groupe africain, les ACP et les PMA, pour soutenir des positions communes concernant l’agriculture, l’accès au marché des produits non agricoles et le développement.

La RDC est malgré tout une puissance en devenir, avec des ressources immenses, 80 millions d’hectares de terres arables et un répertoire de plus de 1100 minéraux et métaux précieux, et  grâce au barrage d’Inga sur le fleuve Congo à 200 km de Kinshasa, le plus gros potentiel hydroélectrique d’Afrique. L’économie repose sur deux secteurs d’activités principaux, l’agriculture (40%) et l’industrie extractive (28%). La vigueur de cette industrie, la demande élevée et l’évolution favorable des cours des matières premières (après les répercussions négatives de la crise financière de 2009 sur le prix des matières premières comme le cuivre ou le cobalt, essentiels à l’économie du pays) et les investissements publics (on attend en 2016 la mise en service de sites hydrauliques réhabilités et de nouvelles microcentrales) ont relancé la croissance du pays, dont le taux était de plus de 8% en 2013 et 2014.

Un bénéficiaire du traitement spécial et différencié/TSD

La RDC figure depuis 1991 dans la liste officielle des PMA des Nations Unies. A ce titre, la RDC est un PED bénéficiant des dispositions particulières de l’OMC relatives aux PMA. Les membres de l’OMC reconnaissent en effet que tous les PED ont besoin d’un TSD et que les PMA en particulier ont besoin d’un TSD renforcé. Les accords de l’OMC comportent ainsi des dispositions pour le respect par les pays développés des intérêts des PED, pour l’accroissement des possibilités commerciales des PMA par l’accès aux marchés, pour l’aménagement d’une flexibilité aux PMA dans la mise en œuvre des règles de l’OMC et des engagements pris dans le cadre des accords, y compris des périodes plus longues, et les PMA bénéficient comme les PED d’une assistance technique pour l’amélioration des capacités.

La RDC reçoit une assistance technique pour améliorer sa participation aux travaux de l’organisation. L’OMC a organisé des séminaires et ateliers de formation au profit des cadres du Ministère du Commerce (doté d’ordinateurs avec accès à internet), de l’Office des Douanes, de l’Office congolais de contrôle et de la Banque centrale.

La RDC bénéficie des tarifs commerciaux préférentiels octroyés par les Etats-Unis dans le cadre de l’African growth and opportunity Act (loi du 18 mai 2000). Il est destinataire du schéma de préférences tarifaires généralisées de l’Union européenne (règlement du 25 octobre 2012), en particulier du régime spécial en faveur des PMA qui libéralise l’accès au marché européen pour la totalité des exportations des PMA à l’exception des armes (initiative « Tout sauf les armes »). Il ne bénéficie pas du régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance, ni la Chine, ce qui supposerait la ratification et la mise en œuvre effective par ces deux pays d’un certain nombre de conventions internationales relatives aux droits de l’homme et des travailleurs, au droit de l’environnement et à la bonne gouvernance.

Le TDS va jouer pour la mise en œuvre de l’accord sur la facilitation des échanges/AFE (protocole d’amendement du 27 novembre 2014), pas encore ratifié par le Brésil, ni la Chine ni la RDC. La RDC déploie des efforts pour soutenir l’assainissement des affaires et a adhéré en 1999 à l’OHADA/Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires. En 2014, le Ministère de l’Economie et du Commerce a organisé trois ateliers de vulgarisation de l’accord AFE à destination des représentants des administrations publiques concernées. L’OMC a lancé le Mécanisme pour l’AFE, qui est opérationnel depuis le 27 novembre 2014, en soutien aux PED et PMA. La mise en place d’un guichet unique par la réforme de l’Office des douanes doit faciliter les formalités et le contrôle des recettes fiscales de l’Etat.

L’économie congolaise conjugue des handicaps structurels (extraversion de l’économie, dégradation des infrastructures, manque de clarté de la politique économique entre libéralisme et interventionnisme excessif, instabilité de la monnaie, sacrifice de l’enseignement technique et professionnel au profit de l’enseignement général, incertitude politique) et des handicaps institutionnels (inflation législative et insécurité juridique, déficit des finances publiques, monopole de l’Etat dans certaines activités commerciales, manque d’efficacité de l’administration publique et du pouvoir judiciaire).

Un Etat en situation de conflit

La RDC n’a pas de contentieux à l’OMC avec d’autres membres. Elle n’a jamais été plaignante ni défendeur ni tierce partie dans le mode de règlement des différends, bien que les PED utilisent de plus en plus l’ORD. Les PMA bénéficient aussi d’un TSD particulier dans le jeu du mécanisme (obligation de modération des autres membres, bons offices du directeur général ou du président du Conseil général).

En revanche, la guerre a fait environ 5 millions de morts en une vingtaine d’années et détruit de nombreuses infrastructures en RDC, victime de groupes rebelles ancrés dans l’est du pays et de l’ingérence de l’Ouganda et du Rwanda. C’est la Cour internationale de justice qui a condamné l’Ouganda à réparer le préjudice causé à la RDC pour le pillage et l’exploitation des ressources naturelles (arrêt du 19 décembre 2005, affaire des Activités armées sur le territoire du Congo, RDC contre Ouganda). L’Ouganda a violé ses obligations internationales issues du règlement de La Haye de 1907 (droit de la guerre) et non du principe de souveraineté sur les ressources naturelles inapplicable « à ce type de situation » (faits commis par des membres des forces armées ougandaises, alors que le principe de souveraineté s’applique aux relations entre Etats). La CIJ a rendu une ordonnance le 1er juillet 2015 décidant de reprendre la procédure en l’affaire sur la question des réparations et fixant au 6 janvier 2016 la date d’expiration du délai pour le dépôt des deux mémoires (la RDC a aussi commis des violations, notamment des mauvais traitements de diplomates ougandais à l’ambassade de Kinshasa).

La RDC est signataire, avec dix autres Etats, de l’accord-cadre de paix, de sécurité et de coopération pour la RDC et la région des Grands Lacs. Cet accord a été conclu le 24 février 2013 à Addis-Abeba sous les auspices des Nations Unies (présence de la force MONUSCO), de l’Union Africaine, de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et de la Communauté de développement de l’Afrique australe, garants de son application.  Il engage les Etats de la région à respecter la souveraineté de la RDC et celle-ci à réformer ses forces de sécurité pour réaffirmer l’autorité de l’Etat sur l’est du pays et à mener des réformes institutionnelles de fond.

Un Etat entre Afrique centrale et Afrique australe

La RDC est partie à de nombreux accords régionaux, ce qui soulève la question du coût de ces participations et l’interrogation sur le manque de cohérence dans la conduite de la politique commerciale extérieure :

-Union africaine

-Communauté économique des Etats d’Afrique centrale/CEEAC

-Marché commun de l’Afrique orientale et australe/COMESA

-Communauté de développement de l’Afrique australe/SADC

-Communauté économique des pays des Grands Lacs/CEPGL

La négociation des nouveaux accords de partenariat économique/APE par l’Union européenne avec les Etats ACP, afin de mettre fin aux préférences commerciales accordées à ce sous-groupe de PED et rejetées par l’OMC, montre la difficulté pour la RDC de se situer dans un groupe d’intégration régionale. La RDC n’est pas signataire de l’accord paraphé le 15 juillet 2014 avec le groupe APE de la SADC, mais négocie dans une autre configuration géographique, celle de l’Afrique centrale, aux côtés des membres de la CEMAC/Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale et de Sao Tomé & Principe.

Un mégadivers de même esprit 

La RDC est un mégadivers, avec des forêts (couvrant 67% du territoire et représentant 10% de forêts du monde et 47% des forêts d’Afrique) et savanes renfermant  des espèces floristiques et animales exceptionnelles (animaux rares tels que le bonobo, l’okapi, le rhinocéros blanc ou le paon congolais). Ces forêts offrent des ressources forestières et, en séquestrant le carbone, ralentissent le changement climatique dans des proportions d’envergure mondiale.

La RDC fait aussi partie du groupe des mégadivers de même esprit. Un nouveau Code forestier a été adopté en 2002 (loi n°011/2002 du 29 août 2002) qui reconnaît la valeur des forêts comme patrimoine public et définit un programme ambitieux de développement durable : rétablissement d’un cadre favorable aux investissements privés, transparence dans l’attribution des contrats, impartialité dans l’application des lois, classement de 10% du territoire forestier en aires protégées, mise en œuvre des plans d’aménagement durable dans les forêts de production y compris de la biodiversité, ouverture de la RDC à de nouvelles formes de valorisation de services environnementaux, telles que la prospection biologique et la séquestration de carbone. La RDC participe à diverses organisations visant à la gestion durable des forêts, dont la Conférence des Ministres en charge des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC), la Conférence sur les écosystèmes des forêts denses et humides d’Afrique centrale (CEFDHAC), l’Organisation africaine du bois (OAB).

La RDC a diffusé son 5e rapport sur la biodiversité le 5 juin 2014. Beaucoup de menaces pèsent sur la biodiversité, déforestation de 0,20% des forêts annuellement, exploitation illégale des ressources (telles que le bois, l’ivoire, comme les minerais) se chiffrant à 1,3 milliard de dollars par an, pêche incontrôlée, introduction d’espèces exotiques envahissantes, facteurs aggravés par le manque de connaissances scientifiques et l’insuffisance des études d’impact, une législation inadéquate et les conflits armés. Des progrès ont malgré tout été accomplis dans la gestion durable de la biodiversité et des forêts en particulier. Le rapport présente la Stratégie et le plan d’action nationaux de la biodiversité : extension du réseau d’aires protégées, gestion participative des ressources biologiques, valorisation de la biodiversité, renforcement des mécanismes de gestion de la biodiversité transfrontalière.

La Chine, attirée par le potentiel de la RDC, a noué en 2007 un partenariat pour des investissements en matière d’infrastructures en échange de concessions minières, avec, à la clé, une société sino-congolaise (la Sicomines). Ce contrat n’a pas tenu ses promesses et on ne peut en attendre des fonds contribuant même indirectement à la valorisation de la biodiversité.

 

Conclusion

La biodiversité en commun… la biodiversité en partage ?

Les trois Etats observés ont un point commun, leur biodiversité, et même une biodiversité « dans le même esprit », curieuse expression pour une alliance intergouvernementale qui, en anglais, porte le nom de Group of Like-Minded Megadiverse Coutries/LMMC. Ces Etats ont joint leurs efforts pour la négociation du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la diversité biologique. Ce protocole a été adopté le 29 décembre 2010 et est entré en vigueur le 12 décembre 2014 ; il réunit aujourd’hui 68 Etats parties et l’Union européenne. Ce texte minimaliste fixe quelques règles de base pour développer le principe, issu de la convention biodiversité, du partage des avantages tirés de l’exploitation de cette biodiversité. Il vise une plus grande sécurité juridique et une meilleure transparence pour les fournisseurs et utilisateurs de biodiversité. Il prône notamment la délivrance d’un permis ou de son équivalent, lorsque l’accès est accordé en connaissance de cause. Le partage sera soumis à des conditions convenues d’un commun accord, les avantages pouvant être monétaires ou non monétaires, tels que des redevances ou un partage des résultats de la recherche…

L’accès effectif à ces avantages est conditionné par la capacité des Etats Mégadivers à adopter et faire respecter un cadre législatif national qui traduise l’esprit du corpus international sur la biodiversité. La mise en œuvre de la récente loi brésilienne dira si le Brésil, leader à l’OMC, sera aussi leader des Mégadivers en biodiversité ! Cela pourrait contribuer à faire sortir l’OMC de sa situation d’isolement clinique (selon l’expression de l’ORD lui-même) vis-à-vis de la biodiversité. La stratégie du LMMC visant à convaincre les Etats récalcitrants, tels les Etats-Unis, d’adhérer à ce corpus, si elle était concluante, priverait les experts de l’OMC de l’argument juridique leur permettant d’ignorer ces instruments pertinents du droit international.

 

 

Webographie

Sites transversaux :

http://www.wto.org (OMC)

http://www.nsi-ins.ca (Institut Nord-Sud)

http://www.ieim.uqam.ca (Institut d’études internationales de Montréal)

http://wwwinternational-pratique.com (société de conseil en commerce international)

http://www.geo2000.org (association de réflexion)

http://www.iit.adelaide.edu.au (Institute of international trade)

http://www.cairn.info.org (plate-forme de soutien aux publications de sciences humaines francophones)

http://www.forbes.com (magazine économique américain)

http://www.cetim.ch (ONG, centre de recherche et d’information sur le mal développement)

http://www.iddri.org (Institut du développement durable et des relations internationales)

http://fr.ictsd.org (Centre international pour le commerce et le développement durable)

http://www.alcimed.com (société de conseil en innovation et en développement de nouveaux marchés)

http://www.premiumbeautynews.com (l’information internationale de l’industrie des cosmétiques)

http://www.mediaterre.org (système d’information mondial francophone pour le développement durable)

http://www.afd.org (Agence française de développement)

http://www.environment.gov.za (département des Affaires environnementales, République d’Afrique du sud)

 

sites sur le Brésil :

http://wwwfranceoea.org (Ministère des Affaires étrangères et du Développement international, La France dans les Amériques)

http://www.cei.ulaval.ca (Centre d’études interaméricaines)

http://www.clacso.org.ar (Conseil latino-américain de Sciences sociales)

 

sites sur la Chine :

http://www.asie21.com (groupe de réflexion)

http://www.chinadaily.com.cn (quotidien chinois en anglais)

http://thediplomat.com (magazine d’information internationale Asie-Pacifique)

http://www.perspectiveschinoises.revues.org (revue trimestrielle interdisciplinaire)

http://www.bjreview.com.cn (magazine d’information nationale sur la Chine en anglais)

http://www.uschina.org (United States-China Business Council)

http://www.chinabusinessreview.com (the magazine of the US-China Business Council)

http://www.french.mofcom.gov.cn (ministère du commerce de République populaire de Chine)

http://www.apec.org (coopération économique pour l’Asie-Pacifique)

 

sites sur la RDC :

http://ocm.populus.org (observatoire congolais de la mondialisation)

http://www.riaed.net (réseau international d’accès aux énergies durables)

http://www.jeuneafrique.com (revue sur l’Afrique)

http://www.lepotentielonline.com (journal d’information)

http://www.radiokapi.net (MONUSCO, Fondation Hirondelle)