Protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation relatif au Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques

Isabelle Hannequart

MCF en droit public HDR, Université de Tours

Le volet responsabilité et réparation a fait partie des sujets de négociation lors de l’élaboration du Protocole de Carthagène à la fin des années 90, protocole qui vient lui-même développer la Convention sur la diversité biologique en visant une utilisation sécurisée des produits biotechnologiques et notamment des organismes génétiquement modifiés, qui pourraient avoir des effets néfastes sur la santé humaine et sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.

Cependant, les Parties à la négociation, qui se sont entendues sur le protocole de Carthagène (adopté le 29 janvier 2000, aujourd’hui entré en vigueur depuis le 11 septembre 2003 pour 166 Etats) n’ont pas réussi à s’accorder sur le sujet de la responsabilité et se sont contentées provisoirement de l’introduction dans le Protocole de l’article 27. Cet article dispose que la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique siégeant en tant que Réunion des Parties au Protocole sur la prévention des risques biotechnologiques (Protocole de Carthagène) engage, à sa première réunion, un processus visant à élaborer des règles et procédures internationales appropriées en matière de responsabilité et de réparation pour le dommage résultant de mouvements transfrontières d’organismes vivants modifiés.

La modification génétique, également appelée «génie génétique» ou «technologie de l’ADN recombinant» remonte, pour sa première application, aux années 70 et consiste à introduire des caractères nouveaux dans des micro-organismes, des plantes et des animaux. Les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont des organismes dont le matériel génétique (ADN) a été modifié artificiellement. Les biotechnologies modernes permettent de transférer des gènes sélectionnés d’un organisme à un autre, y compris entre différentes espèces.

Les OGM les plus couramment développés et commercialisés concernent le monde végétal avec des variétés génétiquement modifiées de maïs, de soja, de colza oléagineux et de coton. Il s’agit de conférer à la plante principalement une résistance à certains insectes et une tolérance à un herbicide total, ce qui réduit l’utilisation d’insecticides nocifs dans la culture et les traitements par pulvérisation avec des herbicides spécifiques. D’autres types d’OGM ont un impact sur les caractéristiques des aliments eux-mêmes (par exemple, des fruits à mûrissement retardé ; dans quelques années, une qualité nutritive renforcée pour les animaux). Enfin, des micro-organismes des entités vivantes microscopiques peuvent être modifiés pour être utilisés dans la production de nombreuses vitamines, d’arômes et d’additifs.

Les négociations menées conformément à l’article 27 du Protocole de Carthagène se sont traduites par l’adoption, le 15 octobre 2010, du Protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur par la cinquième Conférence des Parties au Protocole de Carthagène sous la forme d’un protocole additionnel au Protocole de Carthagène. Le protocole n’est pas encore entré en vigueur, dans l’attente des 40 ratifications requises ; à ce jour, le protocole a reçu 51 signatures et 21 ratifications, dont celles de l’Union européenne (l’UE a signé le protocole le 11 mai 2011 et l’a approuvé le 21 mars 2013) et de 12 de ses Etats membres (Allemagne, Bulgarie, Espagne, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, République Tchèque, Roumanie et Suède).

En effet, le domaine de l’environnement relève des domaines de compétence partagée de l’UE. C’est la Commission européenne qui a mené les négociations relatives au Protocole additionnel et l’UE a approuvé le traité, mais les Etats membres sont aussi appelés à ratifier l’accord, qui est un accord mixte. Au moment de l’approbation, l’UE a déposé une Déclaration en application du paragraphe 3 de l’article 34 de la Convention sur la diversité biologique justifiant sa compétence. Cette compétence a d’ailleurs été enrichie par le Traité de Lisbonne d’un ajout qui renforce l’implication internationale de l’Union pour répondre aux enjeux planétaires ; il s’agit de la lutte contre le changement climatique, dans l’article 191 TFUE.
Déclaration en application du paragraphe 3 de l’article 34 de la Convention sur la diversité biologique
« L’Union européenne déclare que, conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment à son article 191, elle est compétente pour conclure des accords internationaux et pour faire respecter les obligations qui en découlent, en vue d’atteindre les objectifs suivants:
– la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement,
– la protection de la santé des personnes,
– l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles,
– la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires dans le domaine de l’environnement, et notamment la lutte contre le changement climatique.
En outre, l’Union européenne adopte des mesures au niveau de l’Union dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile aux fins du bon fonctionnement de son marché intérieur.
L’Union européenne déclare qu’elle a déjà adopté des instruments juridiques liant ses États membres dans des matières régies par le présent protocole additionnel. L’exercice des compétences de l’Union est, par nature, appelé à un développement continu. Afin de satisfaire aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 20, paragraphe 3, point a), du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques à la convention sur la diversité biologique, l’Union tiendra à jour la liste des instruments juridiques déjà transmis au Centre d’échange pour la prévention des risques biotechnologiques.
L’Union européenne est responsable de l’exécution des obligations découlant du présent protocole additionnel qui sont régies par le droit de l’Union en vigueur. »

L’Union a pu veiller à ce que les résultats des négociations soient conformes à la législation de l’Union et aux principes de base de la législation des Etats membres en matière de responsabilité et de réparation, car l’UE disposait déjà d’un corpus en matière de risques biotechnologiques, mais d’autres Etats n’ont pas de normes équivalentes et le protocole vise à les aider à adopter des normes dans ce domaine. Les Etats du Sud, spécialement les Etats africains, souhaitaient un régime strict avec application du principe pollueur-payeur. En même temps, les industriels et les principaux Etats producteurs, avec pour chef de file le Brésil, préféraient un régime juridique peu contraignant. Le texte est donc un texte de compromis. Après six années de négociations, le Protocole apporte une réponse au principe 13 de la Déclaration de Rio qui appelle les Etats à élaborer des lois nationales relatives à la responsabilité et à l’indemnisation et à coopérer au développement du droit international à cette fin.
Le protocole offre un cadre international (pas encore mondial) pour la responsabilité en matière d’OGM. Mais le protocole a déçu par son caractère a minima.

I – Un cadre international pour la responsabilité en matière d’OGM

Le Protocole additionnel prolonge les normes de biosécurité définies dans le protocole de rattachement – la responsabilité pour les dommages causés par des OGM est étroitement liée au système international de notification et d’autorisation – et fournit des règles et procédures internationales comme un cadre de référence pour la mise en place de régimes nationaux de responsabilité et réparation.

A – le prolongement des normes de biosécurité

Le Protocole de Carthagène
Sur le fondement du principe de précaution, le protocole instaure une nouvelle procédure permettant aux Etats importateurs d’organismes vivants modifiés d’être pleinement informés des risques et d’éventuellement interdire l’importation et il organise des mesures d’identification et de sécurisation de ces organismes. D’après l’article 1er, le protocole doit « assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l’utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant précisément l’action sur les mouvements transfrontières ».
Les parties s’engagent à prendre les mesures juridiques et administratives nécessaires à l’application du protocole, éventuellement des mesures plus rigoureuses, dans la mesure où elles sont compatibles avec l’objectif et les dispositions du protocole (article 2).
Le Protocole de Carthagène s’applique aux mouvements transfrontières, au transit, à la manipulation et à l’utilisation de tout organisme vivant modifié qui pourraient avoir des effets défavorables sur la diversité biologique et la santé humaine (article 4). En revanche, il ne s’applique pas dans deux hypothèses :
-aux mouvements transfrontières d’OVM qui sont des produits pharmaceutiques destinés à l’homme relevant d’autres accords ou organismes internationaux (article 5).
-aux OVM en transit sur le territoire d’un Etat, le transit relevant de la réglementation de chaque Etat (article 6§1).
Le protocole fixe les règles s’appliquant aux mouvements transfrontaliers des OVM, ceci en fonction de leur utilisation : utilisation en milieu confiné, dissémination dans l’environnement, utilisation directe dans l’alimentation humaine ou animale, utilisation indirecte (transformation).
Document annexe (site de l’UE)
Dans le cas d’une utilisation en milieu confiné, la partie importatrice fixe ses propres normes, mais la procédure dite « d’accord préalable en connaissance de cause » ne s’applique pas comme dans les autres cas (article 6§2).
Hors ce cas spécifique, les articles 7 à 15 réglementent les échanges internationaux.
Selon l’article 7, la procédure « d’accord préalable en connaissance de cause » s’applique en cas d’introduction dans l’environnement et d’utilisation dans l’alimentation ou de transformation, sauf si la conférence des Etats parties en décide autrement en raison de la faiblesse des risques.
Cette procédure se déroule selon les étapes suivantes. La Partie exportatrice ou l’exportateur doit adresser une notification à la Partie importatrice avant toute exportation et engage sa responsabilité sur l’exactitude des informations communiquées et qui sont réglementées par une annexe spécifique (article 8). La Partie importatrice doit alors accuser réception de cette notification dans les 90 jours. Si elle ne le fait pas, son silence n’équivaut pas à son consentement (article 9). La Partie importatrice peut alors, dans ce délai, accepter l’importation, la refuser ou demander des informations complémentaires et donc le proroger. Ces décisions doivent être motivées. L’absence de certitude scientifique, conformément au principe de précaution, peut suffire pour réglementer ou interdire une importation, s’il existe des craintes sur les effets de l’OVM dont l’importation est demandée (article 10). L’évaluation des risques est effectuée selon des méthodes éprouvées, conformément à l’annexe III. Elle peut aller au-delà des informations fournies dans la notification, reposer sur l’exportateur et être financée par la Partie importatrice (article 15). Dans le cadre de l’examen de la demande d’importation, l’Etat concerné pourra prendre en compte des considérations socioéconomiques (article 26).
Une Partie importatrice, sur sa propre initiative ou à la demande de la Partie exportatrice, pourra réexaminer sa décision au vu d’éléments scientifiques nouveaux ou d’un changement de circonstances (article 12).
Une procédure moins stricte s’applique pour l’importation d’OVM destinés à l’alimentation ou à la transformation (article 11). Cette procédure est fondée sur une notification préalable à l’organisme chargé de centraliser les informations sur les échanges d’OVM. Cette notification contient des informations précises, codifiées à l’annexe II, et est effectuée lors de l’autorisation interne de mise sur le marché. Comme lors d’une introduction dans l’environnement, la décision d’autorisation d’importation reste soumise à une procédure préalable d’évaluation des risques. Les pays peuvent demander l’appui technique ou financier des organismes spécialisés mis en place par le protocole pour pouvoir faire face aux demandes d’importation.
Le protocole prévoit, en outre, que les Etats pourront mettre en place une procédure simplifiée sur une base volontaire et destinée à faciliter les échanges des OVM dont l’innocuité aurait été démontrée (article13). Les Etats peuvent également conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux, mais ne conduisant pas à une protection moindre (article 14).
Le protocole a également pour but d’assurer la sécurité des échanges autorisés d’OVM, les autres mouvements transfrontaliers étant évidemment interdits (article 25).
De manière générale, les Parties coopèrent pour limiter les risques relatifs aux OVM. Le protocole prévoit notamment que « chaque Partie veille à ce que tout organisme vivant modifié, importé ou mis au point localement, ait été soumis à une période d’observation appropriée correspondant à son cycle de vie ou à son temps de formation avant d’être utilisé comme prévu » (article 16).
En particulier, les Etats coopèrent et s’informent pleinement en cas de risque de mouvement transfrontière non-intentionnel d’un OVM afin de prendre des mesures d’urgence.
Le protocole prévoit, de plus, une série de dispositions relatives à la manipulation, au transport, à l’emballage et à l’identification des OVM. Les règles définies doivent permettre des conditions optimales de sécurité. L’étiquetage joue un rôle fondamental, car il doit indiquer l’usage final de l’OVM et les méthodes sécurisées de manipulation.
Au-delà de la manipulation technique des OVM, les Etats s’engagent à coopérer pour informer le public et plus particulièrement lui permettre d’accéder aux informations relatives aux autorisations d’importation.
Enfin, les articles 25 à 27 envisagent la responsabilité.

La responsabilité de la Partie exportatrice peut alors être engagée en cas de mouvement illicite, mais la responsabilité est également envisagée de façon générale pour l’avenir.

Ainsi, selon l’article 25 Mouvements transfrontaliers illicites,
1. Chaque Partie se dote d’une législation propre à prévenir et à réprimer, s’il convient, les mouvements transfrontières d’organismes vivants modifiés contrevenant aux mesures nationales qu’elle a prises pour appliquer le présent Protocole. De tels mouvements seront réputés mouvements transfrontières illicites.
2. En cas de mouvement transfrontière illicite, la Partie touchée peut demander à
la Partie d’origine d’éliminer à ses propres frais les organismes vivants modifiés
concernés, en les reprenant ou en les détruisant, selon qu’il convient.

L’article 26 permet aux Etats de tenir compte, en prenant des décisions concernant l’importation, des considérations socio-économiques de l’impact sur la biodiversité, eu égard à la valeur intrinsèque de la biodiversité pour les communautés autochtones et locales en particulier.

Puis, c’est ici que l’on trouve l’article 27, selon lequel les règles générales de responsabilité seront définies après l’entrée en vigueur du protocole.

Le droit de l’UE

Dans le droit de l’UE, contrairement à d’autres méthodes d’amélioration génétique, l’utilisation des biotechnologies est strictement réglementée. Un organisme génétiquement modifié (OGM) ou un produit alimentaire dérivé d’un OGM ne peut être mis sur le marché dans l’Union européenne qu’après y avoir été autorisé à l’issue d’une procédure détaillée. Cette procédure est fondée sur une évaluation scientifique des risques pour la santé et l’environnement. Il est également vérifié que le produit GM ne porte pas préjudice aux intérêts des consommateurs.

La législation européenne applicable aux OGM est en place depuis le début des années 90. Cette législation spécifique poursuit deux principaux objectifs :
– protéger la santé et l’environnement, et
– assurer la libre circulation des produits génétiquement modifiés sûrs et sains dans l’Union européenne.

L’ensemble de la législation OGM a été récemment modifié pour aboutir à la création d’un nouveau cadre juridique. Au sein de celui-ci, on retrouve principalement les législations suivantes (site de l’UE) :

  • La Directive 90/219/CEE, modifiée par la directive 98/81/CE, relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (MGM).
    Cette directive réglemente les activités de recherche et de développement industriel faisant intervenir des MGM (par exemple, des virus ou des bactéries génétiquement modifiés) dans des conditions de confinement, c’est-à-dire en milieu fermé où le contact avec la population et l’environnement est évité. Ceci inclut le travail en laboratoire.
  • La Directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement s’applique à ces deux types d’activités:
    – les disséminations expérimentales d’OGM dans l’environnement, c’est-à-dire l’introduction d’OGM dans l’environnement à des fins expérimentales (par exemple pour des essais en champs), sont régies par la partie B de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement ;
    – les mises sur le marché d’OGM (les OGM sont qualifiés dès lors de produits contenant des OGM ou consistant en de tels organismes), par exemple la culture, l’importation ou la transformation d’OGM en produits industriels, sont soumis principalement à la Partie C de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement
  • Les mises sur le marché d’OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale, ou de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux contenant des OGM, consistant en de tels organismes ou produits à partir d’OGM sont régis par le règlement 1829/2003/CE concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés. En présence d’un produit alimentaire/d’aliments pour animaux contenant des OGM ou consistant en de tels organismes, le demandeur dispose en réalité d’un choix : (1) soit la demande dans son ensemble est soumise uniquement au règlement 1829/2003/CE, en application du principe « une clef pour chaque porte », pour obtenir une autorisation de dissémination volontaire d’un OGM dans l’environnement, selon les critères établis par la directive 2001/18/CE, et l’autorisation d’utilisation de cet OGM dans les aliments, selon les critères établis par le règlement 1829/2003/CE ; (2) soit la demande – ou une partie de la demande – est introduite à la fois sous la directive 2001/18/CE et sous le règlement 1829/2003/CE.
  • Les mouvements intentionnels et non intentionnels d’OGM entre États Membres de l’Union européenne et pays tiers sont régis par le règlement 1946/2003/CE relatif aux mouvements transfrontières des OGM, à l’exception des mouvements intentionnels au sein de la Communauté.

Le présent règlement met en œuvre le protocole de Carthagène ; il vise à établir un système commun de notifications et d’échange d’informations relatif aux mouvements transfrontières d’OGM vers des pays tiers. Le but ultime est d’assurer que les mouvements qui peuvent avoir des effets négatifs sur l’utilisation durable de la diversité biologique et sur la santé humaine se fassent d’une manière respectueuse par rapport à l’environnement et à la santé humaine.
Exportations d’OGM vers des pays tiers
Ce règlement fait la différence entre les OGM destinés à être volontairement disséminés dans l’environnement et les OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale ou à être transformés.
L’exportateur d’OGM destinés à être volontairement disséminés dans l’environnement doit envoyer une notification écrite à l’autorité nationale compétente du pays importateur avant que le mouvement transfrontière ne se produise. Cette notification doit comprendre les informations reprises à l’annexe I du règlement. Elle vise à donner la possibilité au pays d’importation de n’accepter que les seuls produits qu’il a approuvés de manière préalable en connaissance de cause.
Si, dans les 270 jours qui suivent la réception de la notification, l’importateur ne répond pas, l’exportateur envoie un rappel à l’autorité nationale de l’importateur en exigeant une réponse dans les 60 jours. Il envoie une copie de la notification et de l’avis de réception à l’autorité compétente de son État membre et à la Commission. En aucun cas le mouvement transfrontière ne peut avoir lieu sans le consentement écrit préalable de l’importateur.
L’exportateur doit conserver, au moins pendant 5 ans, la notification, l’avis de réception et la décision de l’importateur. Il doit également notifier le transit des OGM aux pays qui le souhaitent.
La Commission ou l’État ayant pris la décision, notifie au Centre d’échanges pour la prévention des risques technologiques (CEPRB) (créé par le protocole de Cartagena) toute décision relative à l’utilisation, y compris sa mise sur le marché, d’OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale ou à être transformés et pouvant faire l’objet de mouvements transfrontières. La notification reprend les éléments qui apparaissent à l’annexe II du règlement. Les OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale ou à être transformés ne peuvent pas faire l’objet de mouvements transfrontières s’ils ne sont pas autorisés dans la Communauté et si l’importateur n’a pas donné son consentement explicite (sans préjudice des dispositions du règlement (CE) n° 178/2002).
Tout exportateur doit veiller à ce que les OGM qu’il exporte soient clairement identifiés, notamment en indiquant que le produit est constitué d’OGM ou en contient et en produisant le code attribué à l’OGM. Les exportateurs d’OGM destinés à être utilisés pour l’alimentation humaine ou animale ou à être transformés doivent attester dans une déclaration que ces OGM ne vont pas être disséminés volontairement dans l’environnement. Les OGM destinés à être utilisés en milieu confiné doivent être accompagnés des règles de sécurité pour leur entreposage, leur transport et leur utilisation.

Mouvements transfrontières non intentionnels
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour éviter les mouvements transfrontières non intentionnels d’OGM. S’ils ont connaissance d’un incident pouvant donner lieu à une dissémination d’OGM pouvant comporter des mouvements transfrontières non intentionnels et avoir des conséquences négatives pour l’environnement ou la santé humaine, ils doivent:
informer les citoyens;
notifier la Commission, les autres États membres, le CEPRB et les organismes internationaux compétents;
consulter les États affectés pour leur permettre de prendre les mesures nécessaires.

Dispositions communes
En vue de l’établissement du système d’échange d’informations relatif aux exportations d’OGM vers des pays tiers, le règlement cite les informations que les États membres doivent communiquer à la Commission et au CEPRB ainsi que celles que la Commission doit communiquer au CEPRB.
La Commission et les États membres doivent désigner des correspondants (entités qui assurent en leur nom la liaison avec le secrétariat du protocole). Les États membres désignent également des autorités nationales compétentes. À la date d’entrée en vigueur du protocole à leur égard, les États membres et la Commission communiquent au secrétariat du protocole le nom et l’adresse de leurs correspondants et de leurs autorités compétentes.
Au plus tard le 5 novembre 2004, les États membres prévoient un régime de sanctions applicable aux violations du présent règlement.
Au moins tous les trois ans, les États membres transmettent un rapport à la Commission sur l’application du présent règlement. Celle-ci rédige à son tour un rapport et le transmet à la réunion des parties au protocole de Cartagena.

Toutes ces législations établissent les conditions auxquelles, par exemple, une entreprise ou un département universitaire de recherche doivent satisfaire avant de pouvoir développer, utiliser ou commercialiser un OGM ou un produit alimentaire dérivé d’OGM. Les OGM et les produits alimentaires dérivés d’OGM mis sur le marché doivent également satisfaire à des conditions d’étiquetage et de traçabilité. Ces conditions se trouvent dans le règlement 1829/2003/CE et dans le règlement 1830/2003/CE concernant la traçabilité et l’étiquetage des organismes génétiquement modifiés et la traçabilité des produits destinés à l’alimentation humaine ou animale produits à partir d’organismes génétiquement modifiés, et modifiant la directive 2001/18/CE.

Divers autres actes ont été adoptés en application de cette législation. Parmi ceux-ci :

Le règlement n° 641/2004 de la Commission du 6 avril 2004 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la demande d’autorisation de nouvelles denrées alimentaires et de nouveaux aliments pour animaux génétiquement modifiés, la notification de produits existants et la présence fortuite ou techniquement inévitable de matériel génétiquement modifié ayant fait l’objet d’une évaluation du risque et obtenu un avis favorable,

Le règlement n°65/2004 de la Commission du 14 janvier 2004 établissant un système d’élaboration et d’attribution d’identificateurs uniques pour les organismes génétiquement modifiés.

La recommandation 2004/787/CE de la Commission du 4 octobre 2004
concernant des lignes directrices techniques en matière d’échantillonnage et de détection des organismes génétiquement modifiés et des matières produites à partir d’organismes génétiquement modifiés en tant que produits ou ingrédients de produits, dans le cadre du règlement (CE) n° 1830/2003.
La politique européenne en matière d’OGM a fait l’objet d’un contentieux devant l’OMC en raison du moratoire de l’Union et des mesures de sauvegarde prises par certains Etats membres, sur plainte des Etats-Unis, du Canada et de l’Argentine (Communautés Européennes, Mesures affectant l’approbation et la commercialisation des Produits biotechnologiques, Rapport du groupe spécial, 29 septembre 2006). Le principe de précaution était en cause mais pas le principe de responsabilité pour des dommages causés par les OGM eux-mêmes.

B – un cadre de référence pour des régimes nationaux de responsabilité
Le principe de la responsabilité
Lors des négociations de la convention BD, les Etats se sont affrontés sur la question de la responsabilité. Le groupe africain voulait établir la stricte responsabilité de la Partie exportatrice pour tout dommage causé par des OGM. Celle-ci – donc un Etat exportateur vis-à-vis d’un autre – aurait été tenue pour responsable même si elle n’était pas elle-même fautive. Beaucoup d’Etats en développement considéraient en effet que le droit international privé positif ne permet pas d’assurer une réparation pour les dommages causés par des mouvements transfrontières et souhaitaient incorporer dans le protocole des dispositions précises. Les Etats développés étaient eux-mêmes en désaccord. Pour certains, il n’était pas nécessaire d’établir des règles internationales sur la responsabilité dans le cas visé puisque ces questions relevaient des législations nationales ainsi que du droit international privé et qu’elles étaient prévues dans ce cadre ou pouvaient l’être. Pour d’autres, les enjeux étaient trop complexes pour être examinés dans les négociations sur la convention BD. D’où le renvoi à l’article 27.
Cet article prévoit que le processus serait mené en analysant et en tenant compte des travaux en cours en droit international en cette matière. Le guide explicatif du Protocole de Cathagène (Guide explicatif du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, Ruth Mackenzie, Françoise Burhenne-Guilmin, Antonio G.M. La Viña et Jacob D.Werksman, en collaboration avec Alfonso Ascencio, Julian Kinderlerer, Katharina Kummer et Richard Tapper, UICN, Droit et politique de l’environnement, n°46, Centre du droit de l’environnement de l’UICN, UICN – Union mondiale pour la nature, 2003) livre un inventaire des traités et processus internationaux portant sur la responsabilité et la réparation.

Guide explicatif du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques
Encadré 44. Autres traités et processus internationaux portant sur la responsabilité
et la réparation

Responsabilité des Etats
Convention de 1972 sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux
Responsabilité civile
Convention de Paris de 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire et Convention complémentaire de Bruxelles (1963).
Convention de Vienne de 1963 sur la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires, amendée par le Protocole de 1997.
Convention de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures et Convention de 1971 portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, amendée et remplacée par les Protocoles de 1992.
Convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures
Convention internationale de 1992 portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures
Convention de Lugano de 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (n’est pas entrée en vigueur).
Convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (n’est pas entrée en vigueur).
Protocole de Bâle de 1999 sur la responsabilité et l’indemnisation en cas de dommages résultant de mouvements transfrontières et de l’élimination de déchets dangereux (n’est pas entré en vigueur)
Convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures en soute (n’est pas entrée en vigueur).
Autre processus portant sur ces questions
Examen par la Conférence des Parties à la CDB de la question des dommages causés à la diversité biologique aux termes de l’article 14(2) de la CDB.
Examen d’un régime de responsabilité dans le cadre du Protocole de 1991 sur la protection de l’environnement relatif au Traité antarctique.
Projet d’articles de la Commission du droit international sur la prévention de dommages transnationaux dérivés d’activités dangereuses, 2001.
Projet d’articles de la Commission du droit international sur la responsabilité des Etats pour des actes internationalement dommageables, 2001.

Le protocole de Nagoya Kuala Lumpur crée un régime international régissant la responsabilité pour les dommages causés à la biodiversité par des OGM ayant fait l’objet d’un mouvement transfrontière.

Art. 1 Objectif : L’objectif du présent Protocole additionnel est de contribuer à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en établissant des règles et procédures internationales en matière de responsabilité et de réparation relatives aux organismes vivants modifiés.

Le protocole additionnel vise à protéger les Etats n’ayant pas, jusque-là, développé d’outils juridiques pour garantir la biosécurité. Selon la CDB, plus de 120 pays ont mis au point les cadres juridiques et administratifs nécessaires à la mise en œuvre du protocole.
Pour l’UE, l’enjeu est différent. L’Union européenne a adopté en 2004 une réglementation sur la responsabilité environnementale fondée sur le principe du pollueur-payeur avec la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. En effet, s’il était possible pour la victime d’une pollution d’être dédommagée pour les pertes économiques qu’elle subit ou pour les atteintes qui en découlent sur sa santé, l’environnement en tant que tel était le plus souvent oublié des mesures de réparation faute d’affecter directement les droits d’une victime. (Damien Thierry). L’Union a veillé à ce que ce droit de l’UE corresponde à sa directive.
Les directives de négociation, qui ont été précisées à plusieurs reprises, chargeaient la Commission de veiller à ce que les résultats des négociations soient conformes à la législation de l’Union et aux principes de base de la législation des États membres en matière de responsabilité et de réparation et puissent être mis en œuvre dans l’UE sans nécessiter l’introduction ou la modification de règles de fond dans le domaine de la responsabilité civile…
Dans l’Union européenne, les dispositions du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques sont couvertes par la législation européenne en la matière, dont la pierre angulaire est le principe de précaution. Les dispositions relatives à la responsabilité du protocole additionnel de Nagoya – Kuala Lumpur sont couvertes par la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (DRE), qui met en place un cadre reposant sur le principe du «pollueur-payeur», en vertu duquel les coûts liés à la réparation des dommages causés à l’environnement doivent être supportés par le pollueur. Les États membres de l’UE disposaient d’un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la directive (30 avril 2004) pour transposer la directive en droit national. La dernière transposition en droit national a été achevée en juillet 2010. La DRE a déjà été modifiée à deux reprises, une première fois par la directive 2006/21/CE concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive et une seconde fois par la directive 2009/31/CE relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant plusieurs directives.
Proposition de décision du Conseil, 5 juin 2012, COM(2012)236 final, extrait

Le protocole précise les conditions de mise en jeu de la responsabilité. Il définit le terme d’OVM, indique sur qui pèse la responsabilité et mentionne le lien de causalité exigé.

Art. 2 Définition des termes
1. Les termes définis à l’article 2 de la Convention sur la diversité biologique, dénommée ci-après « la Convention », et à l’article 3 du Protocole s’appliquent au présent Protocole additionnel.

Le Protocole additionnel reprend la définition des termes de ses deux conventions de rattachement, la Convention sur la diversité biologique et le Protocole de Carthagène. Par conséquent, la définition d’«organisme vivant modifié» est la suivante : « toute entité biologique capable de transférer ou de répliquer du matériel génétique, y compris des organismes stériles, des virus et des viroïdes, […] possédant une combinaison de matériel génétique inédite obtenue par recours à la biotechnologie moderne ». Cette « biotechnologie moderne » s’entend, d’une part, « de l’application de techniques in vitro aux acides nucléiques, y compris la recombinaison de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et l’introduction directe d’acides nucléiques dans les cellules ou organites » et, d’autre part, « de la fusion cellulaire d’organismes n’appartenant pas à une même famille taxonomique qui surmontent les barrières naturelles de la physiologie de la reproduction ou de la recombinaison ».
Le droit de l’UE utilise le terme d’«organisme génétiquement modifié ». Selon le rapport du Sénat (Projet de loi autorisant l’approbation du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques, Jean-Pierre Plancade, au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, Rapport n° 149 (2002-2003), déposé le 29 janvier 2003), il ressort « de cette définition que les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont l’une des deux grandes catégories d’OVM, c’est à dire ceux dont le matériel génétique, ou ADN, a été transformé d’une manière qui ne s’effectue pas par multiplication ou recombinaison naturelle ». Le terme est donc équivalent à la définition des OVM selon le protocole, qui retient les combinaisons obtenues par la biotechnologie moderne.

Selon l’article 2, l’« Opérateur » s’entend « de toute personne qui contrôle directement ou indirectement l’organisme vivant modifié et qui pourrait, selon le cas et tel que déterminé par le droit interne, inclure, entre autres, le titulaire du permis, la personne qui a mis l’organisme vivant modifié sur le marché, le concepteur, le producteur, l’auteur de la notification, l’exportateur, l’importateur, le transporteur ou le fournisseur ».

Le texte prévoit que ce sont les « opérateurs » qui seront tenus responsables des mouvements d’OVM entre Etats et des dommages causés.

De même que, pour certaines activités, les Etats ont conclu des traités établissant des régimes de responsabilité civile qui redistribuent les responsabilités vers des opérateurs privés, le texte ne retient pas l’Etat en tant que tel comme responsable mais l’opérateur privé ou éventuellement public. Concernant la définition de ces «opérateurs», le Protocole additionnel laisse une grande marge de manoeuvre au droit interne. Peut tomber sous la définition d’«opérateur» toute personne qui contrôle directement ou indirectement l’OGM à l’origine du dommage : metteurs sur le marché, producteurs, exportateurs, importateurs, transporteurs. Il revient aux Etats Parties de préciser ce terme très large, en s’inspirant de la liste non limitative donnée par le texte, et en retenant un ou plusieurs opérateurs responsables (le texte vise « le ou les opérateurs appropriés »).

Le droit européen retient comme opérateur l’exploitant, c’est-à-dire « toute personne physique ou morale, privée ou publique, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle ou, lorsque la législation nationale le prévoit, qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, y compris le titulaire d’un permis ou d’une autorisation pour une telle activité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité » (Directive 2004/35, article 2, Point 7). Quant à l’activité professionnelle, il s’agit de « toute activité exercée dans le cadre d’une activité économique, d’une affaire ou d’une entreprise, indépendamment de son caractère privé ou public, lucratif ou non lucratif ».

Art. 4 Lien de causalité : Un lien de causalité est établi entre le dommage et l’organisme vivant modifié en question et ce, conformément au droit interne.

Cet article est lié à la question de la nature de la responsabilité. Lors de l’adoption de l’article 27, les Etats ont renvoyé à plus tard cette question : s’agirait-il d’une responsabilité sans faute ou fondée sur la faute ? La responsabilité sans faute impose une obligation de résultats : l’entité est responsable en cas de dommages résultant d’un mouvement transfrontière d’OVM, qu’il y ait eu faute ou pas. La responsabilité fondée sur la faute impose une obligation de comportement : l’entité doit exercer une diligence raisonnable afin d’éviter des dommages lors d’un mouvement transfrontière d’OVM ; elle n’est pas tenue pour responsable tant que la faute n’a pas été prouvée.

Selon le protocole, conformément aux principes généraux de la responsabilité civile, il doit exister un lien de causalité entre la cause (l’OGM à l’origine du dommage) et l’effet (le dommage). Le Protocole additionnel renvoie ici encore au droit interne pour la détermination des conditions exactes de ce lien de causalité, la charge de la preuve revenant à l’autorité compétente (qui doit identifier le responsable). Ce droit interne pourra inclure la jurisprudence nationale en matière de responsabilité.

Mais le protocole ne tranche pas de façon explicite quant au choix du type de responsabilité, pour faute ou sans faute. Il parle simplement du lien de causalité en lui-même, lien qui est exigé dans les deux hypothèses. Et il est muet sur l’exigence ou non d’une faute. On pourrait déduire de ce silence l’exigence du seul lien de causalité… Mais l’article 12 du protocole demande aux Etats qui mettent en œuvre un régime de responsabilité civile de fixer la norme de responsabilité en tranchant entre la responsabilité objective (ou stricte ou sans faute) et la responsabilité pour faute.

La directive européenne (qui retient un régime de responsabilité mixte) instaure un régime de responsabilité sans faute pour tous les dommages imputables à des activités par nature dangereuses pour l’environnement, citées dans l’Annexe III de la directive. Il s’agit des secteurs économiques qui font déjà l’objet d’une réglementation européenne au titre de la politique de prévention ; on trouve parmi eux, – à côté, par exemple, des activités impliquant des émissions industrielles de produits polluants ou l’exploitation des déchets – le recours aux OGM dans deux hypothèses :
– Toute utilisation confinée, y compris le transport, de micro-organismes génétiquement modifiés au sens de la directive 90/219/CEE du Conseil du 23 avril 1990 relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (aujourd’hui modifiée par la directive 2009/41/CE du PE et du Conseil du 6 mai 2009, JOUE L 125 du 21 mai 2009, p. 75),
– Toute dissémination volontaire dans l’environnement, tout transport ou mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés au sens de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil et modifiée en dernier lieu par la directive 2008/27/CE du 11 mars 2008, JO L 81 du 20 mars 2008).

Ici, le seul lien de causalité suffit pour faire produire à la responsabilité ses effets juridiques. Mais ces deux directives couvrent-elles toutes les hypothèses relatives à des OGM (cf. supra) ? Dans les autres cas, la responsabilité est une responsabilité pour faute. En effet, la directive couvre aussi les activités professionnelles qui ne relèvent pas de l’Annexe III, mais, pour celles-ci, la responsabilité ne peut être engagée que sur la base d’une faute et uniquement en cas de dommage aux espèces et habitats naturels protégés (et non aux eaux ni aux sols), ou en cas de menace imminente de tels dommages. L’exigence d’une faute a « pour effet d’écarter de très nombreux dommages dus à un exercice jugé normal d’une profession » (Thierry Damien).

Or, en matière d’OGM, le cas qui semble non couvert par l’annexe 3 de la directive « responsabilité » concerne les OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale, pourtant visés par le protocole. Toutefois, la directive sur la dissémination volontaire, qui vise en général les produits contenant des OGM et/ou consistant en de tels organismes, inclut les OGM destinés à l’alimentation :
11) La mise sur le marché concerne également les importations. Les produits contenant des OGM et/ou consistant en de tels organismes visés par la présente directive ne peuvent pas être importés dans la Communauté s’ils ne satisfont pas aux dispositions de ladite directive.
(12) La mise à la disposition d’OGM destinés à être importés ou traités en grosses quantités, tels que les matières premières agricoles, devrait être considérée comme une mise sur le marché aux fins de la présente directive.
(13) Le contenu de la présente directive tient dûment compte de l’expérience internationale dans ce domaine et des engagements commerciaux internationaux et devrait respecter les critères établis dans le protocole de Carthagène sur la biosécurité, annexé à la convention sur la diversité biologique. Dès que possible, et en tout cas avant juillet 2001, la Commission devrait présenter, dans le cadre de la ratification du protocole, les propositions nécessaires à sa mise en oeuvre.
La directive couvre donc tous les cas d’utilisation d’OGM. La situation juridique en matière d’OGM n’est pas éclatée entre deux régimes de responsabilité.

Cependant, comme le protocole, « la directive reste très silencieuse sur les modalités permettant d’établir le lien de causalité. C’est pourtant là une question essentielle qui peut dans certaines hypothèses constituer un obstacle important à l’engagement de la responsabilité ». « Cependant, de façon plutôt satisfaisante, la CJCE a eu l’occasion de combler cette lacune en apportant à cet égard quelques précieux éclaircissements. De fait, la Cour reconnaît d’abord que l’Etat peut mettre en œuvre des moyens étendus afin d’identifier l’auteur de l’atteinte à l’environnement. L’autorité dispose à ce titre d’une marge d’appréciation quant aux procédures, aux moyens devant être déployés et à la durée d’une telle recherche.. De plus, afin d’éviter que de telles situations n’aboutissent à un déni de responsabilité, la Cour a reconnu un régime de présomption de responsabilité. En effet, le juge européen a considéré qu’une réglementation d’un Etat membre peut prévoir que l’autorité compétente a la faculté d’imposer des mesures de réparation de dommages environnementaux en présumant un lien de causalité entre la pollution constatée et les activités du ou des exploitants, et ce en raison de la proximité des installations de ces derniers avec la pollution.. Pour autant, le principe du pollueur-payeur supposant que le pollueur ait été clairement identifié dans la mesure où seul celui-ci peut être tenu pour payeur, il faut que cette présomption repose sur des « indices plausibles susceptibles de fonder sa présomption (…). De fait, l’exploitant ne pourra échapper à l’engagement de sa responsabilité que s’il parvient à renverser cette présomption » (Damien Thierry).

Les conséquences de la responsabilité

Art. 5 Mesures d’intervention
1. Lorsqu’un dommage s’est produit, les Parties exigent, sous réserve des conditions imposées par l’autorité compétente, que le ou les opérateurs appropriés :
a) Informent immédiatement l’autorité compétente;
b) Évaluent le dommage; et
c) Prennent les mesures d’intervention appropriées.
2. L’autorité compétente :
a) Identifie l’opérateur qui a causé le dommage;
b) Évalue le dommage; et
c) Détermine les mesures d’intervention que devrait prendre l’opérateur.

3. Lorsque des informations pertinentes, y compris les informations scientifiques disponibles ou les informations dont dispose le Centre d’échange pour la prévention des risques biotechnologiques, indiquent qu’il existe une probabilité suffisante de survenance de dommage si des mesures d’intervention ne sont pas prises en temps utile, l’opérateur est tenu de prendre des mesures d’intervention appropriées afin d’éviter ce dommage.

4. L’autorité compétente peut prendre les mesures d’intervention appropriées, y compris en particulier lorsque l’opérateur ne l’a pas fait.

5. L’autorité compétente a le droit de recouvrer auprès de l’opérateur les coûts liés à l’évaluation du dommage et à la prise de toute mesure d’intervention appropriée ainsi que les coûts et dépenses accessoires y afférents. Les Parties peuvent prévoir dans leur droit interne des situations dans lesquelles l’opérateur peut ne pas être tenu de supporter ces coûts et dépenses.

6. Les décisions de l’autorité compétente qui exigent de l’opérateur qu’il prenne des mesures d’intervention devraient être motivées. Ces décisions devraient être notifiées à l’opérateur. Le droit interne prévoit l’existence de recours, y compris la possibilité d’une révision administrative ou judiciaire de ces décisions. L’autorité compétente informe également l’opérateur des recours disponibles, conformément au droit interne. L’utilisation de tels recours n’empêche pas l’autorité compétente de prendre des mesures d’intervention dans les circonstances appropriées, sauf indication contraire prévue par le droit interne.

7. En appliquant cet article et afin de définir les mesures d’intervention spécifiques que l’autorité compétente prendra ou exigera, les Parties peuvent, le cas échéant, déterminer si les mesures d’intervention sont déjà prévues par le droit interne sur la responsabilité civile.
8. Les mesures d’intervention sont mises en oeuvre conformément au droit interne.

D’une façon générale, les règles et les procédures de responsabilité et de réparation remplissent des fonctions de prévention ou de réparation. Dans son état actuel, le droit international de l’environnement tend à prévenir plutôt qu’à réparer. Or, en droit international, le terme« responsabilité » est souvent associé à l’obligation de réparer des dommages causés par des activités qui posent des risques potentiels pour les personnes, les biens et l’environnement et non à la pénalisation des comportements. Ici, le texte vise les deux objectifs, prévenir et réparer, et la responsabilité est associée à l’obligation de prévenir et à l’obligation de réparer.

L’opérateur est responsable en cas de survenance d’un dommage mais aussi en cas de probabilité suffisante de survenance d’un dommage si des mesures d’intervention ne sont pas prises. Si l’opérateur n’est pas connu, les autorités font le nécessaire pour l’identifier et évaluent le dommage pour pouvoir décider de la suite de la procédure.

Lorsqu’un opérateur constate qu’un dommage s’est produit, il doit en informer immédiatement les autorités. En cas de dommage ou de risque, l’opérateur doit évaluer le dommage et prendre de lui-même les mesures d’intervention appropriées. Par «mesures d’intervention», le Protocole additionnel entend des mesures raisonnables prises pour prévenir, minimiser, confiner, atténuer ou autrement éviter le dommage et pour restaurer la biodiversité. L’autorité compétente de l’Etat peut aussi prendre de telles mesures, en particulier lorsque l’opérateur ne l’a pas fait, et le texte précise sur qui tous les coûts relatifs à l’évaluation et aux mesures prises peuvent peser. L’Etat peut ainsi les recouvrer auprès de l’opérateur.

L’article 5 offre, comme mesures d’accompagnement des règles de responsabilités, des garanties à l’opérateur, selon le mode conditionnel ou selon l’indicatif. Motivation et notification des décisions de l’autorité compétente (au conditionnel), droit de recours et information sur les recours disponibles (indicatif). Mais le texte insiste, pour les recours en justice comme pour la mise en œuvre des mesures d’intervention, sur le renvoi au droit interne. Il semble que le droit international ne puisse donc pas être invoqué à l’encontre de mesures d’intervention, alors considérées comme des règles de police, même à propos du caractère raisonnable de ces mesures, pourtant prévu par le texte international.

On trouve dans le droit européen le même genre de dispositions, avec des modalités de la réparation aux contours imprécis, malgré des dispositions innovantes.

On se réfèrera ici à la conférence de Damien Thierry sur la responsabilité environnementale (Salvador de Bahia, 2012) :

Une obligation d’agir

Comme il a été déjà indiqué, la logique de la directive n’est pas d’organiser l’indemnisation mais de favoriser l’adoption de mesures adaptées pour répondre de la façon la plus efficiente possible face à un dommage. C’est pourquoi la directive impose une obligation d’agir. Surtout, cette obligation s’applique non seulement si le dommage a été constaté, mais aussi lorsqu’il y a une menace imminente d’atteinte à l’environnement. Ainsi, le principe du pollueur payeur se trouve ici complété de façon tout à fait utile par celui de prévention.

Là encore, l’obligation pèse d’abord sur l’exploitant qui doit, de sa propre initiative, adopter les mesures préventives nécessaires « lorsqu’un dommage environnemental n’est pas encore survenu, mais qu’il existe une menace imminente qu’un tel dommage survienne ». Par ailleurs, en cas d’inaction ou d’action insuffisante de la part de l’exploitant, l’autorité compétente désignée par chaque État membre peut l’obliger à prendre les mesures préventives appropriées. Enfin, l’autorité peut prendre elle-même les mesures nécessaires si l’exploitant fait preuve de défaillance à agir. Ce dispositif présente un double intérêt. D’abord, il complète, renforce les réglementations déjà existantes en matière de prévention pour ce qui touche aux activités dangereuses. Ensuite, il crée des obligations nouvelles pour les activités qui ne sont pas soumises à la réglementation européenne.

Dans le même esprit, dans l’hypothèse cette fois où le dommage s’est produit, les mesures devant être prises au titre des actions de réparation reposent sur le même mécanisme. Elles peuvent être prises à l’initiative même de l’exploitant qui en informe alors les autorités compétentes, mais peuvent aussi l’être sur ordre des autorités administratives, voire effectuées par ces dernières. Ainsi, l’autorité compétente peut imposer le type de mesures à prendre, exiger que certaines mesures plus adaptées que celles envisagées par l’exploitant soient prises, ou encore décider de l’ordre de priorité des mesures de réparation si plusieurs dommages se sont produits.

La limite ici vient de la faculté et non de l’obligation de l’autorité compétente d’exercer sa contrainte sur le pollueur, voire d’agir en ces lieux et places. Une telle décision pourra dépendre le cas échéant de considérations extra-environnementales telles que la volonté de préserver une entreprise dans un contexte économique difficile. Il reste que, si aucune initiative n’est prise de part et d’autre, la directive prévoit que toute personne physique ou morale ayant un intérêt à agir, peut saisir l’autorité administrative compétente afin de lui demander d’agir auprès de l’exploitant, la directive indiquant que les ONG agissant dans le domaine de la protection de l’environnement sont réputées remplir cette dernière condition. La portée et l’efficacité d’une telle disposition reste cependant encore incertaine…

En toutes hypothèses, les mesures préventives et de réparation restent à la charge de l’exploitant. Cela signifie que lorsque l’autorité nationale compétente décide d’agir par elle-même, elle se doit d’engager une procédure de recouvrement des frais afférents à ces mesures auprès de l’exploitant. Cette procédure devra être engagée dans les cinq ans à compter de la date d’achèvement des mesures de prévention ou de réparation ou de la date à laquelle l’exploitant responsable ou le tiers ont été identifiés, la date la plus récente étant retenue.

A l’issue de ces cinq années, l’autorité nationale ne peut plus demander le recouvrement des dépenses engagées mais elle pourra être poursuivie pour manquement devant le juge de l’Union s’il s’avère que c’est sciemment ou par négligence qu’un tel recouvrement n’a pas été demandé. En effet, en s’abstenant d’agir, l’Etat se rendrait auteur d’une double violation du droit de l’Union. Il commencerait par méconnaître les objectifs de la directive qui, en imposant la règle du pollueur-payeur, doit jouer un rôle dissuasif. Il se rendrait par ailleurs complice d’une éventuelle distorsion de concurrence dans la mesure où la prise en charge du coût de la réparation par l’autorité publique en lieu et place de l’exploitant pourrait être qualifiée d’aide d’Etat déguisée et sanctionnée en tant que telle.

Une réparation par équivalence
Les modalités de la réparation sont précisées quant à elles en Annexe II de la directive. A ce titre une distinction doit être opérée selon le type de dommage. Mais, en toutes hypothèses, il s’agit de recourir à des mesures réelles, c’est-à-dire de procéder à une remise en l’état des sites détruit.

Les règles applicables aux dommages affectant les sols sont les plus décevantes car la réparation se limite à imposer l’adoption des mesures nécessaires afin de garantir au minimum la suppression, le contrôle, l’endiguement ou la réduction des contaminants concernés, de sorte que les sols contaminés, compte tenu de leur utilisation actuelle ou prévue pour l’avenir, au moment où les dommages sont survenus, ne présentent plus de risque grave d’incidence négative sur la santé humaine. On peut difficilement exiger moins.

Pour les dommages causés aux eaux, aux espèces et aux habitats naturels protégés, les exigences sont plus intéressantes puisque la directive impose en priorité une réparation qui devra prendre la forme d’une réparation primaire, c’est-à-dire fondée sur le principe d’équivalence. Il s’agit de remettre en l’état initial, ou dans un état s’en approchant, les ressources naturelles ou les services endommagés. L’objectif est donc clairement de mettre un frein au recul de la biodiversité ou de la qualité des eaux en faisant en sorte que le niveau de biodiversité ou de qualité des eaux soit le même après réparation qu’avant la survenance de l’accident.

Dans le même esprit, si la réparation primaire n’est pas possible, on devra procéder à une réparation complémentaire qui consiste non plus à restaurer ce qui ne peut l’être, mais à fournir un niveau de ressources naturelles ou de services qui soit comparable à celui existant avant le dommage. Il s’agira, par exemple, d’intervenir sur un autre site, autant que possible géographiquement lié au site endommagé, et d’y établir un même niveau de richesse environnementale. Ainsi, la destruction d’un site protégé au titre de la directive habitat peut impliquer la désignation d’un nouveau site de remplacement dans lequel seront prises des mesures pour tenter d’y favoriser un même niveau de biodiversité que le site affecté.

Enfin, une réparation qualifiée de compensatoire est entreprise pour combler les pertes provisoires de ressources naturelles et de services en attendant la régénération. Elle consiste à apporter des améliorations supplémentaires aux habitats naturels et aux espèces protégées ou aux eaux, soit sur le site endommagé, soit sur un autre site. Mais elle ne peut consister en une compensation financière accordée au public.

Si la directive impose de privilégier la réparation primaire, il est admis que des mesures de réparation primaire puissent être en partie écartées au bénéfice de mesures complémentaires adaptées si elles permettent avec plus d’efficacité et de pérennité de fournir un niveau de ressources naturelles ou de services semblables au niveau de ceux qui ont été perdus. Ce sera le cas, par exemple, lorsque des ressources naturelles ou des services équivalents pourraient être fournis ailleurs à un coût moindre.

Soulignons enfin que, d’une façon générale, le coût des mesures de réparation à prendre pour rétablir l’état initial, ou un niveau équivalent, ne doit pas être disproportionné par rapport aux bénéfices environnementaux escomptés. Une telle mise en balance n’est de toute évidence pas facile à mesurer ! En l’occurrence, il s’agira de faire preuve de pragmatisme en tentant de concilier intérêts naturels, économiques, sociaux, culturels… Ce pragmatisme pourra consister également, par exemple, au titre du principe de prévention, de s’abstenir de restaurer un site où les risques qu’une nouvelle pollution ne survienne sont très importants compte tenu de sa proximité immédiate avec une zone industrielle et, dans un tel cas, de privilégier une réparation complémentaire, alors même que la réparation primaire eût été a priori possible.

Art. 6 à 8 Exceptions et limitations de la responsabilité
Article 6 Exemptions
1. Les Parties peuvent prévoir, dans leur droit interne, les exemptions suivantes:
a) Cas fortuit ou force majeure; et
b) Conflit armé ou troubles civils.
2. Les Parties peuvent prévoir, dans leur droit interne, les autres exemptions ou mesures d’atténuation qu’elles jugent appropriées.

En droit européen, selon Damien Thierry (réf. précitée), plusieurs cas d’exonération sont invocables même dans le cadre de la responsabilité sans faute. Ainsi, l’exploitant pourra s’exonérer de sa responsabilité si le dommage « est le fait d’un tiers, en dépit de mesures de sécurité appropriées » ou encore s’il « résulte du respect d’un ordre ou d’une instruction émanant d’une autorité publique ». Surtout, les Etats peuvent décider que l’exploitant n’est pas tenu de supporter les coûts des actions de réparation si le dommage est dû, en l’absence de faute ou négligence, à une émission expressément autorisée, ou du fait du risque de développement, c’est à dire si l’exploitant prouve que l’émission n’était pas considérée comme susceptible de causer des dommages à l’environnement au regard des connaissances scientifiques et techniques au moment où l’émission a eu lieu.

On retrouve également des cas d’exonération classiques lorsque le dommage est imputable à la défense nationale ou à une catastrophe naturelle. Enfin, échappent au champ d’application de la directive les activités qui relèvent déjà de régimes spécifiques qui découlent de traités internationaux : c’est le cas de l’industrie nucléaire, des dommages occasionnés par les hydrocarbures et du transport maritime ou terrestre des matières dangereuses.. A noter que ce dernier régime d’exonération n’est pas sans poser quelques difficultés majeures. Il y a lieu par exemple de s’interroger sur la question de savoir si, dans l’hypothèse d’une marée noire, les dommages causés à la nature sont susceptibles d’être couverts ou non par la directive. Sur ce point, nous partageons la position de Nicolas de Sadeleer qui défend « la thèse selon laquelle de tels dommages tombent dans le champ d’application de la directive dès que la convention invoquée ne couvre pas spécifiquement les dommages causés aux espèces de la faune ».

Article 7 Délais
Les Parties peuvent prévoir, dans leur droit interne :
a) Des délais relatifs et/ou absolus y compris en ce qui concerne les mesures
d’intervention; et
b) Le début de la période à laquelle un délai s’applique.

Article 8 Limites financières
Les Parties peuvent prévoir, dans leur droit interne, des limites financières pour le recouvrement des coûts et dépenses liés aux mesures d’intervention.

Cette responsabilité de l’opérateur se combine avec d’autres recours possibles.

Art. 9 Droit de recours
Le présent Protocole additionnel ne limite ni ne restreint aucun des droits de recours ou d’indemnisation dont peut disposer un opérateur à l’endroit de toute autre personne.

Le protocole ne limite pas le droit de recours existant en droit interne pour une action récursoire envers des tiers ayant contribué à la réalisation ou à l’aggravation du dommage.

Art. 11 Responsabilité des Etats pour des faits internationalement illicites
Le présent Protocole additionnel ne porte pas atteinte aux droits et obligations des États relevant des règles du droit international général qui visent la responsabilité des États pour des faits internationalement illicites.

Le protocole ne porte pas atteinte aux règles coutumières du droit international relatives à la responsabilité des Etats, selon lesquelles les Etats doivent répondre des violations de leurs obligations découlant du droit international envers les autres Etats.

Art. 12 Application et lien avec la responsabilité de droit privé
1. Les Parties prévoient, dans leur droit interne, des règles et procédures propres à remédier au dommage. Pour s’acquitter de cette obligation, elles prévoient des mesures d’intervention conformes au présent Protocole additionnel et peuvent s’il y a lieu :
a) Appliquer leur droit interne existant, y compris, le cas échéant, des règles et procédures générales applicables à la responsabilité civile;
b) Appliquer ou élaborer des règles et procédures de responsabilité civile conçues spécifiquement à cet effet; ou
c) Appliquer ou élaborer une combinaison des deux.
2. Les Parties, en vue de prévoir dans leur droit interne des règles et procédures adéquates relatives à la responsabilité civile en cas de préjudice matériel ou personnel associé au dommage tel que défini à l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 2 :
a) Continuent d’appliquer leur droit général existant sur la responsabilité civile;
b) Élaborent et appliquent ou continuent d’appliquer leur droit sur la responsabilité civile spécifiquement à cet effet; ou
c) Élaborent et appliquent ou continuent d’appliquer une combinaison des deux.
3. Dans l’élaboration de leur droit sur la responsabilité civile dont mention est faite aux alinéas b) ou c) des paragraphes 1 ou 2 ci-dessus, les Parties abordent, selon qu’il convient, les éléments suivants entre autres :
a) Le dommage;
b) La norme de responsabilité, y compris la responsabilité objective ou la responsabilité pour faute;
c) La canalisation de la responsabilité, le cas échéant;
d) Le droit de recours.

Le texte oblige les Parties à mettre en oeuvre le protocole additionnel dans leur droit interne. Mais le texte laisse des options aux Etats. Ainsi le droit interne peut prévoir un régime de droit administratif pur ou comprendre des règles tant de droit privé que de droit public. La première option est celle retenue au niveau de l’UE, qui n’a pas eu besoin de modifier son droit sur le sujet.

L’alinea 2 est consacré aux dommages qui ne relèvent pas des règles matérielles du protocole additionnel, c’est-à-dire les préjudices matériel ou personnel associés au dommage défini causé par des OGM. Le protocole additionnel exige que ces dommages soient couverts par le droit interne de la responsabilité civile des Parties, mais laisse le choix de recourir au droit général de la responsabilité civile ou à un régime spécifique de responsabilité civile pour les OGM ou à la combinaison des deux. On touche ici les limites du système du protocole.

II – Des normes minimales de responsabilité

Le protocole se contente de normes minimales quant à son champ d’application et quant à la garantie financière envisagée.

A- Le champ d’application

La nature du dommage

L’article 2 paragraphe 2 définit le dommage pris en compte :
b) « Dommage » s’entend d’un effet défavorable sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, en tenant compte des risques pour la santé humaine, qui :
(i) Est mesurable ou autrement observable en tenant compte, lorsque cette information existe, des conditions initiales établies scientifiquement et reconnues par l’autorité compétente, compte tenu de toute autre variation d’origine naturelle et anthropique; et
(ii) Est significatif au sens donné dans le paragraphe 3 ci-après;
3. Le caractère « significatif » d’un effet défavorable est déterminé sur la base de facteurs tels que :
a) La modification à long terme ou permanente, c’est-à-dire ne pouvant se corriger de manière naturelle dans un délai raisonnable;
b) L’ampleur des modifications qualitatives ou quantitatives qui nuisent aux éléments constitutifs de la diversité biologique;
c) La réduction de la capacité qu’ont les éléments constitutifs de la diversité biologique de fournir des biens et des services;
d) L’ampleur de tout effet défavorable sur la santé humaine dans le contexte du Protocole.

Le protocole additionnel s’applique exclusivement aux dommages causés à la biodiversité, c’est-à-dire aux dommages qualifiés en général de «dommages purement environnementaux», il ne couvre pas les formes traditionnelles des dommages matériels et personnels, qui forment une grande partie du droit classique de la responsabilité civile.

L’expression «en tenant compte des risques pour la santé humaine» repris du Protocole de Carthagène est ambiguë (cf. Ruth Mackenzie et al., Guide explicatif du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, 2003, p. 12 s.). Pendant les négociations, l’UE a défendu l’idée que la formule n’élargissait pas la définition du dommage aux préjudices personnels. Cet élargissement serait contraire à la distinction faite par l’article 12 du protocole, qui isole et distingue, dans son paragraphe 2, explicitement les le préjudice matériel ou personnel associé au dommage des autres dommages. La formule exige alors que, lors de l’évaluation permettant de déterminer si un dommage significatif a été causé à la biodiversité, il soit tenu compte des effets que de tels dommages ont sur la santé humaine, selon une prise en compte indirecte.
La réparation est limitée aux dommages importants appréciés en fonction de différents facteurs : avoir un caractère durable ou permanent, une certaine ampleur qualitative ou quantitative, réduire la capacité de la biodiversité à fournir des biens et des services ou avoir un impact sur la santé humaine.
Le droit européen retient une interprétation restrictive du dommage « significatif »… On se réfèrera à la conférence de Damien Thierry (réf. précitée) :

Les dommages pris en compte

Le premier élément remarquable de la directive tient donc à la reconnaissance d’un dommage en dehors de toute atteinte à des intérêts privés. Ici, il n’est pas question de réparer les préjudices économiques ou corporels, ni même les dommages moraux à travers des dommages intérêts versés par exemple à une association de protection de la nature affectée par la destruction d’espèces ou d’habitats pour la défense desquels elle agit. Mais, il s’agira de réparer des dommages en nature, c’est-à-dire d’effacer autant que possible l’atteinte causée à l’environnement. C’est là une avancée remarquable mais une avancée encadrée, limitée dans sa portée. Toute atteinte à l’environnement ne relève pas en effet de ce régime.

Concrètement, la directive prend en compte trois types des dommages : ceux relatifs aux habitats et aux espèces, ceux affectant les eaux et enfin ceux touchant les sols. De plus, la directive entend par dommage non seulement la « modification négative mesurable d’une ressource naturelle », mais aussi la « détérioration d’un service lié à des ressources naturelles ». La prise en compte d’une atteinte à un service écologique représente une véritable innovation, ces services étant définis comme « les fonctions assurées par une ressource naturelle au bénéfice d’une autre ressource naturelle ou du public ». Par exemple, une surface forestière est susceptible de fournir toute une série de services qui pourront être pris en compte, qu’il s’agisse de son rôle important pour assurer le maintien des sols ou absorber les gaz à effet de serre ou encore de son intérêt comme lieu de détente, de loisirs ou d’activités cynégétiques…

Pourtant, en dépit de cette approche nouvelle, les dommages sont abordés dans l’ensemble de façon plutôt restrictive. Ainsi, pour ce qui touche à la biodiversité, toutes les atteintes à la faune, à la flore et aux habitats ne sont pas concernés. Seuls les dommages causés aux espèces et habitats naturels déjà protégés au niveau communautaire par les directives « oiseaux sauvages » de 2009 et « habitats » de 1992 bénéficient de ce régime. Or, ces législations européennes ont été adoptées pour préserver les espèces et habitats qui présentent déjà un mauvais état de conservation, qui sont menacées ou présentent un enjeu patrimonial très important en raison de leur rareté. Autrement dit, la directive responsabilité ne s’intéresse pas à la nature ordinaire ce qui va à l’encontre de l’objectif affiché de freiner les pertes de la biodiversité. Certes la directive laisse la voie ouverte aux Etats pour aller plus loin encore. Ceux-ci pourront étendre ce régime aux espèces et habitats naturels protégés en application de leur législation nationale qui peut être plus large en couvrant plus d’espèces et d’habitats que ceux visés par les directives oiseaux et habitats. Mais cela ne reste qu’une option.

Les dommages causés aux eaux et aux sols bénéficient en revanche d’un sort plus favorable car ils ne font pas l’objet de la même restriction de leur champ d’application. Pour les eaux, bien que le régime soit là aussi directement lié à une législation existante, la « directive eau » du 23 octobre 2000, le domaine couvert est très large puisque la directive « a pour objet d’établir un cadre pour la protection des eaux intérieures de surface, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines », à l’exclusion cependant de la zone économique exclusive. Quant aux dommages aux sols, c’est l’ensemble des sols qui sont a priori concernés, le législateur européen n’étant pas intervenu dans ce domaine.

Cependant, en toutes hypothèses, que le dommage affecte la biodiversité, les eaux ou les sols, une double restriction vient limiter l’engagement de la responsabilité. Celle-ci ne peut être engagée que pour les dommages survenus à partir du 30 avril 2007, date limite de transposition, et surtout qu’à la condition que l’atteinte présente un certain niveau de gravité. Ainsi, concernant le dommage à la biodiversité, il faut qu’il « affecte gravement la constitution ou le maintien d’un état de conservation favorable de tels habitats ou espèces ». Ce critère doit être apprécié selon des éléments précisés en Annexe 1 de la directive, c’est-à-dire tient compte, par exemple, de facteurs tels que le nombre d’individus touchés ou l’importance du site endommagé pour la reproduction d’une espèce animale. C’est surtout la capacité de rétablissement de la faune, de la flore ou de l’habitat affecté qui permettra d’établir si l’atteinte à la biodiversité est ou non significative. Une telle approche risque de montrer ses limites car dans les faits, si de nombreuses espèces animales ou végétales tendent à disparaître, c’est souvent dû à la multiplication de petits dommages qui chacun, individuellement, ne peuvent être considérés comme suffisamment graves pour justifier la mise en œuvre de ce régime de responsabilité.

Pour le régime des eaux, on retrouve la même condition d’intensité du dommage, puisqu’il faut qu’il « affecte de manière grave et négative l’état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernés ». L’appréciation du critère de gravité joue donc un rôle décisif dans la mise en œuvre du dispositif. Enfin, pour ce qui touche aux atteintes aux sols, le critère s’avère plus restrictif encore dans la mesure où la responsabilité ne peut être engagée qu’à la condition que la contamination en cause « engendre un risque d’incidence négative grave sur la santé humaine ». On mesure ici les problèmes qui découlent d’une telle disposition compte-tenu de la difficulté à apporter la preuve scientifique d’une telle incidence négative grave sur la santé, surtout lorsque les symptômes mettent des années à se manifester !
Ainsi, innovante dans son principe, la directive semble paradoxalement limiter la portée de ces avancées par les conditions restrictives qui entourent la mise en œuvre du régime de responsabilité, au risque de voir de trop nombreuses atteintes à l’environnement échapper à ce régime de responsabilité.

L’origine du dommage

Article 3 Champ d’application
1. Le présent Protocole additionnel s’applique au dommage résultant d’organismes vivants modifiés trouvant leurs origines dans un mouvement transfrontière. Les organismes vivants modifiés visés sont ceux :
a) Destinés à être utilisés directement pour l’alimentation humaine ou animale, ou à être transformés;
b) Destinés à être utilisés en milieu confiné;
c) Destinés à être introduits intentionnellement dans l’environnement.
2. S’agissant des mouvements transfrontières intentionnels, le présent Protocole additionnel s’applique au dommage résultant de toute utilisation autorisée des organismes vivants modifiés mentionnés au paragraphe 1.
3. Le présent Protocole additionnel s’applique également au dommage résultant de mouvements transfrontières non intentionnels prévus à l’article 17 du Protocole ainsi qu’au dommage résultant de mouvements transfrontières illicites prévus à l’article 25 du Protocole.
4. Le présent Protocole additionnel s’applique au dommage résultant d’un mouvement transfrontière d’organismes vivants modifiés qui a débuté après l’entrée en vigueur du présent Protocole additionnel pour la Partie vers la juridiction de laquelle a eu lieu le mouvement transfrontière.
5. Le présent Protocole additionnel s’applique au dommage survenu dans des zones situées dans les limites de la juridiction nationale des Parties.
6. Les Parties peuvent utiliser les critères définis par leur droit interne pour traiter le dommage survenant dans les limites de leur juridiction nationale.
7. Le droit interne mettant en oeuvre le présent Protocole additionnel s’applique également au dommage résultant des mouvements transfrontières d’organismes vivants modifiés en provenance de pays non Parties.

Le champ d’application du protocole additionnel est limité aux seuls dommages liés à un mouvement transfrontière. Mais le protocole ne vise pas que le transport des OVM ; comme le Protocole de Carthagène, il s’applique à des risques importés et ceux-ci ne se limitent pas seulement aux OGM qui ont traversé la frontière, mais incluent aussi les générations ultérieures de ces organismes, précisément en raison de la formule de l’article 3 paragraphe 1, car il ne sera pas toujours possible, en cas de dommage, de distinguer entre les différentes générations. Par contre, les OGM originaux produits dans le pays et qui y restent ne sont pas soumis au Protocole additionnel, car il manque un mouvement transfrontière. Le protocole ne prend donc en compte que les aspects internationaux, comme s’il considérait que la santé publique à l’intérieur de chaque Etat n’est pas en soi un enjeu et un intérêt internationaux.
De plus, selon Actu-Environnement (Un traité international établit les responsabilités dans la dissémination transfrontalière d’OGM, Sophie Fabregat, Actu-Environnement, L’actualité professionnelle du secteur de l’environnement, Actu-Environnement.com, 19 octobre 2010), « les produits dérivés (tourteaux de soja GM ou farines de maïs GM par exemple) ne seront pas concernés par le protocole, ce qui réduit son champ d’application aux seuls OVM ». Il faut comprendre ici que, selon les règles minimales, ce ne sont pas les tourteaux en eux-mêmes qui font l’objet d’une responsabilité, mais les OGM incorporés dans ces tourteaux.
Le droit européen, quant à lui, va plus loin que le protocole. Il ne distingue pas selon que les OGM proviennent d’une importation ou non, tout en incluant les OGM importés ; il vise les OGM et leurs produit dérivés.

B- La garantie financière

Art. 10 Garantie financière
1. Les Parties se réservent le droit de prévoir des dispositions de garantie financière dans leur droit interne.
2. Les Parties exercent le droit mentionné au paragraphe 1 ci-dessus conformément à leurs droits et obligations prévus dans le droit international, compte tenu des trois derniers paragraphes du préambule du Protocole.
3. La première réunion de la Conférence des Parties siégeant en tant que réunion des Parties au Protocole après l’entrée en vigueur du Protocole additionnel demandera au Secrétaire exécutif d’entreprendre une étude complète abordant entre autres :
a) Les modalités de mécanismes de garantie financière;
b) Une évaluation des impacts environnementaux, économiques et sociaux de tels mécanismes, en particulier sur les pays en développement; et
c) L’identification des organismes appropriés pour fournir la garantie financière.
Greenpeace proposait même la constitution d’un fonds international d’indemnisation, financé par des prélèvements sur les transactions d’OVM. Le protocole additionnel renvoie aux Etats Parties le droit d’obliger en droit interne l’opérateur à garantir financièrement sa responsabilité, par exemple au moyen d’une assurance ou de garanties bancaires, pour autant qu’elles respectent leurs droits et obligations au plan international. Cette disposition ne crée cependant pas de hiérarchie entre le protocole additionnel et le droit international public général. Comme il ressort du renvoi aux trois dernières phrases du préambule du Protocole de Cartagena.
Pour Anne Furet, rédactrice et coordinatrice de la veille juridique à Inf’OGM,  »les objectifs ont été revus à la baisse, les discussions ont abouti à un texte très décevant », avant tout car  »il n’y a pas eu d’ententes sur l’obligation de garantie financière des entreprises, question clé pour l’efficacité du dispositif ; le sujet a été totalement éludé », alors que la solvabilité d’un opérateur est la condition concrète de la réparation des dommages causés (Un traité international établit les responsabilités dans la dissémination transfrontalière d’OGM, Sophie Fabregat, Actu-Environnement, réf. précitée).
Le droit européen renvoie à son tour la définition de ce droit aux Etats membres. Voir à ce propos la conférence de Damien Thierry :
La garantie financière
C’est là le point le plus faible et pourtant le plus important de ce régime de responsabilité. En effet, un tel dispositif n’est pas sans poser de nombreux questionnements quant à la capacité financière des exploitants à faire face à leurs obligations, surtout dans un contexte de crise économique.

A ce titre, il peut paraître surprenant que la directive n’oblige pas les exploitants à se munir d’une garantie financière, telle qu’une assurance ou la participation à un fond de garantie, de manière à couvrir leur potentielle insolvabilité. La directive se limite en effet à préciser que les États membres sont tenus d’encourager les exploitants à recourir à de tels mécanismes et à promouvoir le développement de ce type de services. Or, à ce jour, seule une minorité d’Etats a opté pour un système de garantie obligatoire, la plupart choisissant le régime optionnel. C’est d’autant plus regrettable que cette absence d’obligation apparaît en contradiction avec les conventions de Genève du 10 octobre 1989 et de Lugano du 21 juin 1993 qui prévoient de tels systèmes de financement collectif.

C’est d’autant plus insatisfaisant que la mise en œuvre d’un fond obligatoire aurait pu permettre une mutualisation de la prise en charge du dommage dans les cas où son auteur ne serait pas identifié. A défaut d’un tel système, dans ce dernier cas, la facture devra être acquittée sur fonds publics et donc par le contribuable. Ici, on est loin du principe du pollueur-payeur. Faire payer collectivement les pollueurs potentiels eût été une solution sans doute plus satisfaisante dans l’esprit.
L’explication vient de la grande inconnue sur la disponibilité des organismes de garanties à couvrir ce nouveau régime de responsabilité. De fait, dans son rapport rendu en octobre 2010 à propos de la mise en œuvre de la directive, la Commission se dit incapable de se prononcer sur la capacité des produits existants dans le secteur des assurances à répondre aux cas relevant de la directive. La Commission conclut même « qu’elle ne dispose pas d’éléments suffisants pour justifier à ce jour l’introduction d’un système harmonisé de garantie financière obligatoire » !

La question de la garantie financière représente certainement une faille dans le système d’autant plus que la directive ne fixe aucun plafond financier dans la mise en œuvre de la responsabilité. Or, l’absence d’un tel seuil pourrait dissuader les assureurs potentiels de couvrir de tels dommages en raison du coût économique très élevé qu’ils pourraient représenter dans certains cas. De plus, l’émergence d’organismes de garantie à l’échelle du marché européen se heurte à une autre difficulté. La directive étant une directive cadre, les mesures de transposition présentent des différences non négligeables d’un Etat à l’autre. Là encore, ce manque d’harmonisation n’est guère encourageant pour un organisme financier qui serait intéressé par ce marché.

Nul doute que ces deux questions du plafond financier et de la plus forte harmonisation seront au cœur des débats lors du réexamen de la directive prévu pour 2014, deux obstacles à lever si l’on veut parvenir à exiger des exploitants qu’ils recourent à une assurance appropriée. Il en va là certainement des chances de succès de ce régime de responsabilité.
En conclusion, le protocole soulève d’autres difficultés.
D’une part, il revient à chaque Etat de faire la preuve des dommages subis. Cela suppose la capacité d’effectuer des contrôles lors de l’entrée sur le territoire des marchandises (une législation qui prévoit ce contrôle et des moyens administratifs adéquats).
D’autre part, le protocole a un champ d’application vraiment trop restreint, restreint en matière d’OGM et restreint car ne concernant que les OGM. Il a le mérite d’aller jusqu’à la question de la responsabilité, mais il n’envisage que l’une des causes d’atteinte à la biodiversité, en raison de la peur que suscitent les OGM. L’article 14(2) de la CBD dispose que « La Conférence des Parties examine, sur la base des études qui seront entreprises, la question de la responsabilité et de la réparation, y compris la remise en état et l’indemnisation pour dommages causés à la diversité biologique, sauf si cette responsabilité est d’ordre strictement interne. Il vise les dommages causés à la diversité biologique, quelle qu’en soit la cause. Des liens devraient s’établir entre les travaux déjà engagés sur l’article 14(2) et ceux relatifs à l’article 27.