La fiscalité verte au Portugal. Récentes novations

La fiscalité verte au Portugal. Récentes novations

José Amorim, Institut Supérieur de Comptabilité et d’Administration Publique de Porto, Portugal

Le Portugal a effectué récemment une réforme de la fiscalité écologique destinée a créer de nouvelles règles dans le secteur de l’énergie, du transport, des voitures, des sacs plastiques, des déchets, de l’aménagement du territoire, de l’eau, des forêts et de la biodiversité.

Cette réforme, qui a fait l’objet de la loi n° 82-D/2014 du 31 décembre, a pour objectif de promouvoir un changement de comportement et d’atittude en matière d’environnement. A cet effet, la nouvelle loi a introduit des bénéfices fiscaux visant la destruction des voitures en fin de vie, l’achat de véhicules électriques, la déduction de la TVA lors de l’achat de voitures électriques, hybrides, plug-in, GPL et GNC, l’imposition des sacs de plastique légers, la révision de la taxe de gestion des déchets, la révision de la taxe de gestion de l’eau, l’attribution aux organisations non gouvernementales en matière d’environnement (ONGE) du bénéfice de 0,5% de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’application d’une taxe sur le carbone dans les secteurs non inclus dans le commerce européen des licences d’émission de C02, l’aggravation des taux d’imposition sur les véhicules (ISV) (essence et diesel) en fonction de l’émission de CO2, l’encouragement au partage du vélo (bike-sharing) et au covoiturage (car-sharing), l’introduction d’un régime fiscal plus favorable aux immeubles produisant de l’énergie renouvelable, aux propriétés rurales intégrées dans un écosystème, aux immeubles destinés à l’approvisionnement en eau, à la gestion des déchets urbains et aux zones forestières figurant dans une ZIF ou soumises à des programmes de gestion des forêts.

La fiscalité verte a un rôle très important à jouer en matière de pénalisation des comportements nuisibles, de réduction de la dépendance énergétique extérieure, d’introduction des modes de production et de consommation plus durables, d’utilisation plus efficace des ressources naturelles (eau, énergie et matériaux), de diversification des sources de revenus et de neutralité fiscale (l’augmentation des recettes peut être utilisée pour réduire, par exemple, l’impôt sur le revenu).

Voyons maintenant quelques unes de ces mesures.

Impôt sur le revenu des personnes physiques

Au niveau de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, il est prévu une réduction des taux d’imposition autonomes pour les véhicules légers dans le cas des personnes soumises au régime de la comptabilité organisée.

Cette réduction des taux d’imposition s’applique aux véhicules légers de passagers, hybrides plug-in et alimentés par GPL ou GNC.

Montant de la voiture Energie électrique Hybrid plug-in     GPL ou GNV Autres
Prix < a € 25.000 0 5% 7,5% 10%
Prix entre € 25.000 et € 35.000 0 10% 15% 27,5%
Prix ≥ a € 35.000 0 17,5% 27,5% 35%

Les taux d’imposition autonomes de 10%, 27,5% et 35%, sont réduits, respectivement, à 5%, 10% et 17,5% dans le cas de véhicules hybrides plug-in et 7,5%, 15% et 27,5% dans le cas des véhicules GNC (gaz naturel pour véhicules) et GPL (gaz de pétrole liquéfié), et dépendent du prix des voitures (article 73 du code de l’impôt sur les personnes physiques).

Organisations non gouvernementales de l’environnement (ONGA)

En ce qui concerne les ONGA, l’article 11 de la loi n ° 82-D / 2014 du 31 décembre a introduit un amendement à la loi n ° 35/98 du 18 juillet, permettant à ces organisations de profiter de l’avantage fiscal d’une quote-part équivalent à 0,5% de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

Ce bénéfice est attribué par l’administration fiscale aux organisations qui ont le statut de personne morale d’utilité publique. Les ONGA bénéficiaires doivent présenter à l’administration fiscale un rapport annuel confirmant la finalité des montants perçus.

Aussi est-il prévu au paragraphe 7 de l’article 11 que les personnes morales d’utilité publique qui ont une activité en matière environnementale et qui prétendent jouir d’un tel bénéfice doivent en faire mention dans leurs déclarations de revenus.

Il appartient à cet effet à l’administration fiscale de publier la liste des entités qui sont en condition de pouvoir obtenir la consignation de 0,5% de l’impôt sur le revenu.

Impôt sur le revenu des personnes morales

 

En matière d’impôt sur le revenu des personnes morales, il est prévu que les provisions destinées à couvrir les dommages causés à l’environnement puissent être appliquées à tous les secteurs des industries extractives et de traitement de l’élimination des déchets (article 39 du code de l’impôt sur les personnes morales).

Aussi est-il établi un taux maximum d’amortissement des équipements d’énergie éolienne de 8%, alors que jusqu’à présent le décret n° 25/2009 du 14 septembre en matière d’amortissement ne prévoyait aucune amortisation dans ce domaine. Quant au taux de l’amortissement applicable aux équipements d’énergie solaire, celui-ci est réduit de 25% à 8%, ce qui signifie que la durée fiscale minimale pour ce type d’équipement passe de 4 à 12,5 années, tel qu’il est prévu pour les équipements d’énergie éolienne, ce qui a pour effet de permettre un amortissement de ces équipements au long d’un plus grand nombre d’années.

Amortissement des véhicules

Dans le cas de l’amortissement des véhicules légers ou mixte, il est établi de nouvelles limites au niveau de la déductibilité des coûts d’acquisition des voitures à partir de 01.01.2015.

Types de véhicules Limites fiscales (€)
Véhicules électriques 62.500
Véhicules hybrides Plug-in 50.000
Véhicules au GPL ou au GNC 37.500
Autres voitures 25.000

L’arrêté n° 467/2010 a introduit de nouvelles limites aux amortissements des véhicules à partir du 1er janvier 2015. Il en résulte que les véhicules électriques bénéficient d’un limite fiscale plus élevé – 62.500 € – alors que pour les véhicules hybrides plug-in la limite est de 50.000 €. Pour les véhicules fonctionnant au GPL ou au GNC on atteint 37.500 € et, finalement, pour les autres véhicules la limite est de 25.000 €.

Le regime de la TVA a été aussi modifié. Il est ainsi établi un taux réduit de TVA pour le service de réparation des bicyclettes mais, par ailleurs, le législateur a mis fin à l’exonération de la TVA applicable à l’enlèvement des ordures ménagères, qui est désormais soumis a un taux réduit de TVA.

Aussi est-il prévu pour les voitures de tourisme une extension de la possibilité de déduction de la TVA en cas d’acquisition, de fabrication, d’importation, de location et de transformation des voitures électriques ou hybrides plug-in, dont le coût d’acquisition ne dépasse pas celui de l’arrêté n° 467/2010. Dans le cas des voitures alimentées par GPL ou GNC, il est prévu une déduction de 50% de la TVA payée lors de l’acquisition, la fabrication, l’importation, la location et la transformation de ces voitures.

Taxe foncière

Au niveau de la taxe foncière, il est prévu que l’utilisation de techniques respectueuses de l’environnement ont un effet positif au niveau du coefficient de qualité et de confort comme facteur déterminant de la valeur imposable de l’immeuble. Cette mesure prend effet à partir du 01.01.2015 lors de la première évaluation de l’immeuble (article 43 du code de l’impôt municipal sur les immeubles).

Il est envisagé également une exonération de la taxe foncière pour les immeubles destinés exclusivement à l’activité d’approvisionnement public en eau, au traitement urbain des eaux usées et aux systèmes municipaux de gestion des déchets urbains.

Aussi, en ce qui concerne les immeubles objet de réhabilitation, la période d’exonération de la taxe foncière est portée de deux à trois ans. Il y a, à ce sujet, un changement du concept de réhabilitation urbaine qui inclut maintenant la classification énergétique de l’immeuble. Ces exonérations dépendent de la reconnaissance par la mairie de l’attribution du certificat énergétique (article 45 du régime des bénéfices fiscaux).

Dans le cas des immeubles urbains destinés à la production d’énergie provenant de sources renouvelables, les immeubles destinés exclusivement à la production d’énergie à partir de sources renouvelables bénéficient désormais d’une réduction de 50% de taxe foncière à partir de l’année où il y a cette affectation. Cette exonération doit être reconnue par le chef de l’administration fiscale du lieu où est situé l’immeuble. Si la demande est présentée au-delà de ce délai, l’exemption est applicable à partir de l’année suivant sa présentation. Ce bénéfice fiscal est valable pour une période de cinq ans (article 44.º-A du régime des bénéfices fiscaux).

Comme autres bénéfices fiscaux en matière d’environnement attribués aux propriétaires d’immeubles, les municipalités ont le pouvoir de fixer une réduction de la taxe foncière qui peut aller jusqu’à 15% pour les immeubles ayant un certificat énergétique. Pour les propriétés agricoles intégrées dans un écosystéme, reconnues comme telles par l’Institut de la Conservation de la Nature et des Forêts/IP, les municipalités peuvent fixer un abattement de 50% de la taxe foncière. Cet abattement doit être reconnu par le chef de finances où l’immeuble est situé. Si la demande est présentée au-delà de ce délai, là encore l’exemption est applicable à partir de l’année suivant la présentation. Ce bénéfice a une durée de 5 ans (article 44.º-B du régime des bénéfices fiscaux).

Transport de passagers et marchandises

Des mesures fiscales ont également été prises au niveau du transport de passagers et de marchandises. Il est prévu une majoration des coûts d’acquisition de l’électricité, GNV et du GPL pour les véhicules des sociétés et des professionnels. Cette majoration est de 130% dans le cas de l’électricité et de 120% dans les cas du GNV et GPL. Ces mesures s’appliquent aux véhicules de transport public de passagers ayant au moins 22 sièges; aux véhicules de transport de marchandises, publics ou privés, d’un poids brut de plus de 3,5 tonnes et aux taxis. Dans tous les cas, l’assujetti doit être dûment autorisé et les véhicules doivent intégrer l’actif de la société (article 59.º-A du régime des bénéfices fiscaux).

Utilisation du système du car-sharing et bike-sharing

 

Dans le cas de l’utilisation du système du car-sharing et bike-sharing, les dépenses liées au partage de voitures ou de vélos sont majorées, respectivement, de 10% et 40% pour les personnes morales et physiques ayant une comptabilité organisée. Les entreprises ne peuvent pas être dans une relation de groupe, de contrôle ou de simple participation, car dans ce cas le bénéfice doit être attribué à tous en général. Ce bénéfice peut être additionné au bénéfice en matière d’acquisition de pass sociaux pour les employés qui utilisent le transport public collectif, dans la limite de € 6.250 par travailleur.

Les frais d’acquisition, de réparation et d’entretien de vélos en charge des entreprises peuvent être majorés de 20%. Les vélos doivent être conservés pendant au moins 18 mois et doivent être attribués à la plupart des travailleurs (article 59.º-B du régime des bénéfices fiscaux).

Activité forestière

En matière d’activité forestière, il est prévu des exonérations fiscales au niveau, plus précisément, de l’impôt sur la transmission des biens immeubles et des droits de timbre. Ces exonérations visent les acquisitions de propriétés forestières intégrées dans les zones d’intervention forestière (ZIF), mais aussi les terrains agricoles destinés à l’exploitation forestière, d’après le décret-loi n.º 16/2009 du 14 janvier. Cette exonération est valable pour une période de 3 ans à partir de la date d’aquisition de la propriété. Il est également prévu une exonération de la taxe foncière pour les propriétés rurales qui intègrent les ZIF et pour les propriétés destinées à la sylviculture, jouxtant les propriétés soumises à un plan de gestion de la forêt, selon le régime juridique en matière d’urbanisme et de gestion forestière, d’après le décret-loi n° 16/2009 du 14 janvier (artigo 59.º-D du régime des bénéfices fiscaux).

Il existe aussi des bénéfices fiscaux à l’activité forestière des entreprises et des particuliers ayant une comptabilité organisée. Il est prévu que les contributions financières des propriétaires et producteurs forestiers intégrés dans une ZIF sont majorées de 30% (le montant maximum de la majoration ne peut dépasser 8/1000 du chiffre d’affaires de l’année). La zone forestière ou la forêt de production doit être soumise à un plan de gestion, comme indiqué dans le régime juridique du décret-loi n° 16/2009 du 14 janvier.

Taxation des voitures

En matière de taxation des voitures, la loi n° 82-D/2014 du 31 décembre prévoit un taux d’imposition sur les voitures – ISV – en fonction du type de moteur, du carburant, de son utilisation et du poids brut de la voiture.

Dans ce domaine, la loi a réintroduit des bénéfices fiscaux pour les voitures en fin de vie, une mesure qui avait auparavant été mise en place pour relancer ce secteur. Il s’agit d’un régime d’exception prévoyant l’attribution d’une subvention pour la destruction des voitures de tourisme en fin de vie en vue de promouvoir l’introduction des véhicules électriques. Il s’agit d’une subvention de 4500 € dans le cas de l’aquisition d’un véhicule électrique; d’une reduction de l’ISV qui peut aller jusqu’à 3250 € dans le cas de l’aquisition d’un véhicule hybride plug-in; et d’une subvention de € 1.000 dans le cas de l’acquisition d’un quadricycle électrique lourd.

La subvention est attribuée dans le cas exclusivement de l’acquisition d’un véhicule électrique et ne peut être convertible en d’autres prestations ou paiements en espèces ou en nature. En cas d’acquisition de véhicules électriques en location, la subvention sera accordée au propriétaire identifié comme locataire de la voiture (article 25 de la loi nº 82-D/2014).

Taxation des produits pétroliers

Dans le domaine des produits pétroliers assujettis à l’impôt et non exonérés, il est prévu des droits d’accise, qui font l’objet d’une augmentation en raison de l’application de la taxe sur le carbone et des additifs qui sont utilisés. La taxe applicable chaque année est indexée sur le prix de cotation du carbone fixé aux enchères par le système communautaire d’échange des quotas d’émission de gaz à effet de serre (SCEQE) (article 92º-A du code des impôts spéciaux à la consommation).

Taxation des sacs en plastique légers

Les sacs en plastique légers sont désormais taxés. Cette contribution fiscale spéciale tient au fait qu’en Europe, chaque année, environ 100 millions de sacs en plastique non biodégradable sont commercialisés et polluent l’environnement. Malgré leurs faibles coûts apparents, ces sacs sont fabriqués à partir de l’huile et en ce sens causent d’énormes dommages à l’écosystème. Ils sont responsable de 90% des déchets en mer.

Le but de cette taxe est, d’une part, de réduire sa consommation par personne et par an et, d’autre part, d’obtenir des recettes fiscales. Une partie de ces recettes se destine au Fond de Conservation de la Nature et financera des projets dans les municipalités qui intègrent les zones classées, selon le programme NATURAL.PT.

La taxation est de 0,08 € par sac, plus la TVA au taux légal. Elle est due par les producteurs ou les importateurs ayant leur siège ou établissement au Portugal, ainsi que les acheteurs de sacs en plastique légers aux fournisseurs ayant leur siège ou établissement dans un autre État membre de l’UE ou des régions périphériques (article 32.º de la loi n.º 82-D/2014). Sont exonérés du paiement de cet impôt les sacs en plastique destinés aux denrées alimentaires, y compris la glace.

Sont aussi exonérés du paiement de cet impôt les sacs plastiques à l’exportation, ceux qui sont expédiés vers un autre État membre de l’Union et ceux qui sont utilisés par des organismes de bienfaisance.

Taxation des déchets

La loi sur la fiscalité verte a également introduit des modifications au niveau de la taxe sur les déchets. Il est prévu un système de sanctions en cas de non-réalisation des objectifs individuels fixés par le Plan stratégique pour la gestion des déchets urbains 2020 (PERSU 2020). Cette taxe augmentera au cours des prochaines années en fonction des résultats des évaluations bisannuelles de 2016, 2018 et 2020. L’augmentation de la taxe de gestion des déchets est progressive et dépend de la réalisation des objectifs individuels fixés.

La taxation des déchets – de base annuelle – augmentera progressivement entre 2015 et 2020 selon les valeurs suivantes:

Année 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Valeur de la taxe

(€ / tonne

déchets)

5,5 6,6 7,7 8,8 9,9 11

La taxe est axée sur la quantité et la destination finale des déchets. C’est ainsi, par exemple, que les déchets déposés dans des décharges sont soumis au taux de 100% des valeurs indiquées ci-dessus, les déchets incinérés dans la terre sont soumis au taux de 70% et les déchets sujets à une récupération d’énergie sont soumis à un taux de 25%.

Taxation de l’eau

Finalement, le législateur portugais a revu à la hausse les taxes sur l’eau fixée par le décret-loi nº 97/2008 du 11 juin (article 17 de la loi n.º 82-D/2014). C’est le cas de la taxe sur l’usage privé des eaux du domaine public pour les activités de pisciculture, d’aquaculture, de cultures marines et biogénétiques. Par contre, il a prévu une réduction de la taxe de 5% pour les détenteurs du certificat de l’Eco-Management and Audit Scheme (EMAS).

Conclusion

L’État portugais a adopté toute une série de mesures fiscales en vue de réduire ou atténuer les pratiques nocives pour les populations et ainsi influencer le comportement des personnes physiques et morales. Le Portugal a effectué, sans aucun doute, des avançées importantes dans ce domaine, mais il aurait pu aller plus loin et être un peu plus ambitieux en mettant en place, par exemple, des mesures destinées à créer une discrimination fiscale positive à l’égard des personnes respectueuses de l’environnement, une différenciation entre les produits agricoles traditionnels et les produits biologiques, une plus grande valorisation des forêts, une réelle conservation des sols, des ressources en eau et de l’air, mais aussi une protection de la biodiversité et des écosystèmes. Pour garantir la mise en place de ces mesures, l’État a prévu des bénéfices fiscaux dans de nombreux domaines de façon à provoquer des changements de comportement et réaliser une redistribution plus juste des recettes fiscales.